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remis à sa sœur les rênes de l’état ? Ainsi, point de vains prétextes. Les droits du roi de Navarre ! cela n’est pas sérieux. Est-il de taille à gouverner ? voilà toute la question. Un pauvre homme qui se laisse pétrir par le premier qui le prend dans sa main ! Si nous avions le malheur de lui laisser les affaires, qu’en ferait-il, chancelier ?

LE CHANCELIER.

Il se résignera, madame, soyez-en convaincue.

LA REINE-MÈRE.

Tant mieux !… sinon c’est guerre ouverte… Qu’il le sache bien, je le prends de très haut.

LE CHANCELIER.

Je n’aurai pas besoin de…

LA REINE-MÈRE.

Surtout qu’il se lie les mains ; qu’il s’engage à refuser, même devant les états, tout ce qui ne serait pas convenu entre nous. Je ne veux point d’équivoque : un abandon bien net et par écrit. Si le malheur advient que nous perdions mon cher enfant, il faut que tout soit réglé d’avance. Je donnerai la lieutenance générale, c’est trop juste ; mais le gouvernement de mon fils et du royaume, je prétends le garder pour moi seule. Vous entendez, chancelier. Qu’il n’y mette point de finesse, ou je suis femme à l’abandonner tout à plat. Si je disais un mot, même à l’heure où nous sommes, les Guise n’en feraient qu’une bouchée !…

LE CHANCELIER, vivement.

La reine a bien trop de prudence !…

LA REINE-MÈRE.

Assurément, c’est une façon de dire…

LE CHANCELIER.

Donner cette joie à MM. de Guise, ce serait vous préparer la pire des conditions…

LA REINE-MÈRE.

Je le sais, chancelier. Ne lui répétez pas moins, mot pour mot, tout ce que je viens de dire. Il en sera quitte pour la peur, je vous le promets. Jamais, de mon aveu, MM. de Guise ne le toucheront du bout du doigt, pas plus que lui ni les siens n’attenteront à MM. de Guise.

LE CHANCELIER.

Que Dieu seconde votre majesté ! Vous vous préparez là une vie difficile ; mais, au temps où nous sommes, il n’y a pour vous ni liberté ni puissance que sous l’abri de leurs rivalités.

LA REINE-MÈRE.

Vous serez content de moi… Allez, le temps presse ; il faut, songez-y bien, que tout soit fait ce matin. Arrangez-vous pour qu’il vienne me