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REVUE DES DEUX MONDES.
LA REINE-MÈRE.

Miséricorde ! n’en faites rien ; s’il me reste un espoir, c’est vous, c’est vous seul, chancelier. Tenez bon, tenez ferme !…

LE CHANCELIER.

Et que faire, madame ? je suis seul !…

LA REINE-MÈRE.

Ces misérables commissaires ! C’est donc la peur qui les pousse à cette indignité ?

LE CHANCELIER.

J’en suis tout ébahi, madame. Hier au soir ils parlaient tous du renvoi à la cour. Nous avions passé deux heures dans la prison. Le prince, comme de coutume, était resté muet à nos questions, et nous avait ensuite expliqué son silence par de si bonnes et solides raisons qu’il n’y avait rien à répondre. Vous savez combien, depuis son malheur, il est maître de lui-même. On dirait qu’il est soutenu par quelque force surnaturelle. Autant j’aimais peu ses légèretés et ses bravades, autant je me sens pris d’admiration pour cet air de calme et de sérénité. En sortant de là, Bourdin lui-même, le procureur-général, qui toujours nous poussait à passer outre au jugement, Bourdin disait à Faye : « Il n’y faut pas songer, on ne peut renverser les règles de justice. » Que s’est-il passé depuis ? je l’ignore. Mais ce matin, quand j’entrai dans la salle, De Thou me parut interdit. Il m’avoua que, par ordre du cardinal, l’arrêt était dressé, qu’il passerait quoi qu’il fît. Je veux croire qu’il essaiera pourtant… Mais, au moment où je quittais la salle, M. de Guise entrait. À l’heure qu’il est, ne nous y trompons pas, tous les scrupules sont levés. Quelle honte ! madame.

LA REINE-MÈRE.

Si nous cherchions à gagner du temps ! Songez que dans trois jours les états seront en séance !

LE CHANCELIER.

Les états ! Ils les ajourneront encore !

LA REINE-MÈRE.

Ah ! vous avez raison ! Il est bien question des états !… si leur coup réussit

Mme  DE MONTPENSIER, l’interrompant.

Madame, madame, j’entends des cris !

LA REINE-MÈRE, prêtant l’oreille.

N’est-ce pas la voix de la petite Écossaise ?… Écoutez !