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HISTOIRE DE L’EMPIRE


PAR M. THIERS.[1]




J’ai vu, il y a quelques années, chez un écrivain légitimiste, qui passe avec raison pour avoir beaucoup d’esprit, et qui a plus de sens encore que d’esprit, un portrait de Napoléon en costume de premier consul, avec cette inscription tracée sur le cadre : « Après Marengo et avant le meurtre du duc d’Enghien. » Cet hommage, concis et sincère, à la gloire de Napoléon dans la plus belle période de sa vie m’est souvent revenu à la mémoire en lisant le beau travail où M. Thiers vient de consigner les faits d’une autre époque à la fois glorieuse et fatale pour l’empereur : — après Iéna et avant la guerre d’Espagne.

M. Thiers n’avait pas, comme l’admirateur, de Napoléon qui lui a consacré, pour toute appréciation, les deux lignes que je viens de citer, le droit de circonscrire ainsi sa pensée. L’inflexible tâche de l’historien était à remplir. Il lui fallait abaisser celui qu’il avait élevé si haut, et auquel il avait rendu exacte justice en l’élevant aux cimes de l’histoire, briser pour ainsi dire celui qu’il avait légitimement adoré, devoir pénible, accompli à regret, avec une douleur qui s’exprime sans affectation à chaque ligne du nouveau livre de M. Thiers, où apparaît, non sans charme, une sévérité mélancolique qui ne refuse pas quelques larmes à celui qu’elle immole aux exigences de la vérité. Un ancien, Sénèque, je crois, a dit que le plus beau spectacle qui puisse s’offrir

  1. Huitième volume, chez Paulin, rue Richelieu, 60.