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que l’un a pensé à y montrer l’autre, mais parce qu’ils n’ont pas été deux en l’écrivant. Or, cela n’arrive qu’aux très honnêtes gens. On admire justement le mot de Pascal : « On cherchait un auteur, on est charmé de trouver un homme. » Pour que la découverte soit agréable, il faut que cet homme soit un homme de bien.

M. Saint-Marc Girardin est un de ces auteurs-là. Il n’a reçu de personne la pensée de son livre. On n’est pas si à l’aise dans un thème suggéré, ni si original en exécutant un programme. La mode n’y a pas la moindre part. Où il y a tant de raison, soyez sûr que la mode n’en a pas fourni l’idée. De même, le livre n’est pas un rôle que veut jouer l’homme, ni l’image de ce qui, dans sa vie, serait pour la montre ; ce n’est pas un habit splendide qu’il revêt quand il sort. Son esprit n’est que son talent de voir au fond de ses sentimens et la conscience claire de ce qui détermine sa conduite. On ne trouve dans ces pages ni ces choses d’emprunt qui remplissent les écrits dont l’inspiration n’appartient pas à l’auteur, ni ce faux de certains ouvrages, même distingués, dont on dirait que l’auteur a passé un costume pour les écrire. Quand les enfans de M. Saint-Marc Girardin seront en âge d’admirer ce qu’il a écrit de si profond sur les bons instincts du cœur humain et de si tendre sur la famille, combien ne seront-ils pas fiers d’une gloire qui s’est faite au foyer domestique, d’un livre qui n’est le plus souvent qu’une étude dont ils étaient le sujet, et une action dont ils ont été les témoins !

Que, dans un ouvrage où les beautés sont plus souvent des finesses de sentiment que des délicatesses de goût, la critique soit bienveillante, je ne m’en étonne pas. La bienveillance est une des graces du Cours de Littérature. Dans telle pièce peu lue, ou même oubliée, M. Saint-Marc Girardin trouve des choses à admirer. Au lieu d’accabler tout d’abord un ouvrage en le rapprochant d’un idéal jaloux, ou en lui appliquant quelque doctrine superbe, il s’y engage avec la prévention de l’estime ; ce qu’il n’en aime pas, ou il l’excuse, ou il le tait ; il note les fautes sans en triompher, et fait valoir le bien sans le surfaire, aussi loin d’imaginer des beautés où il n’y en a pas que d’exagérer celles qu’il découvre pour relever le mérite de la découverte. Il pouvait en être tenté pourtant, à propos de deux sortes d’auteurs : les inconnus, qu’on paraît mettre au monde ; les oubliés, qu’on réhabilite. Il n’a été que juste pour les uns et pour les autres. On est d’accord avec lui sur ceux-ci, parce qu’il ne nous force pas à les adorer après les avoir dédaignés, et sur ceux-là, parce qu’il sait les découvrir sans avoir l’air de les créer, et qu’il ne nous humilie pas de son rare savoir.

J’admire surtout avec quelle douce autorité il nous fait apercevoir et confesser des beautés où nous n’en avions pas vu. C’est l’art des connaisseurs en tableaux. Ils excellent à retrouver le jour qui éclairait une toile au moment où l’artiste y mettait ses couleurs, et à placer le curieux