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vous par l’Atlantique. Chez vous-mêmes, gardez-vous bien de la cupidité. Voler, ce n’est pas être libre. N’agrandissez pas votre puissance, croyez-moi ; avez-vous besoin de prosélytes ? Le temps nous sert quand nous respectons le temps. »

« — À bas le monarchiste !…… À la lanterne le radoteur tory ! cria une foule enragée. On chercha vainement à connaître l’auteur du sermon, tout le monde se défendit de l’avoir écrit ; jamais les vingt millions de monarques ne purent trouver le coupable. »


Quand M. Melville a visité et critiqué l’Europe et l’Amérique, il se dirige de nouveau vers les régions métaphysiques, où il admire, sans pouvoir les habiter, les royaumes d’Alma et les domaines de Serenia. Alma représente Jésus-Christ, Serenia est son domaine ; Aylla ou le Bonheur terrestre est perdu à jamais, et M. Melville se résigne à s’en passer.


Telle est la colossale machine inventée par M. Melville. Vous diriez ce panorama gigantesque et américain, aujourd’hui affiché sur les murs de Londres en ces termes « Panorama gigantesque, original et américain. Dans la grande salle américaine on peut voir le prodigieux panorama mobile du golfe du Mexique, des cataractes de Saint-Antoine et du Mississipi, peint par J.-R. Smith, l’illustre artiste des États-Unis, couvrant une étendue de toile de quatre milles de longueur et représentant près de quatre mille milles de paysage américain. » — Au milieu de ce fracas puéril et fatigant, parmi tant de fautes de goût et d’incohérences qui blessent, le talent et la raison ne manquent pas, nous l’avons vu, à ce singulier écrivain. Les paroles qu’il adresse aux Français méritent d’être méditées : — « Votre race française voudrait être libre, et elle emploie pour cela les longues cavalcades, les superbes processions, les bannières qui s’agitent avec frénésie, les harmonies mystiques, la marche des soldats et les éternels discours ! De tout cela la vraie liberté ne veut pas. La France qui renie et détruit le passé ne cesse de refaire son passé ; elle jette des torches furieuses dans le palais de son vieux roi, et, criant à bas les siècles anciens ! elle reconstruit ce qu’il y avait de pire dans son passé même. France, France ! la liberté ne veut ni cris, ni fureurs, ni violences, ni désordre. Quand on lui offre pour sacrifice l’anarchie des lois, la rapine et le sang des victimes, la liberté se détourne avec horreur. »

Philarète Chasles.