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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 avril 1849.

La quinzaine a commencé par une petite pièce parlementaire, nous voulons parler de la proposition de M. Considérant, qui demandait à l’assemblée de lui donner mille ou douze cents hectares de la forêt de Saint-Germain, un crédit qu’il laissait en blanc, plus des bâtimens d’exploitation de grandeur suffisante, le tout pour y faire l’essai d’un phalanstère. Et pourquoi faire l’essai d’un phalanstère ? Afin, disait M. Considérant, qu’il fût bien entendu que la société n’a pas rejeté les plans des socialistes sans en avoir fait l’expérience. Il est vrai que M. Considérant voulait aussi loyalement que le trésor public fit l’expérience de la banque du peuple de M. Proudhon. Pauvre trésor public, que remplissent sans cesse les contribuables avec grand’peine et grand travail, et que videraient sans cesse les alchimistes du socialisme ! Faciamus experimentum in anima vili. Ces alchimistes ont tous la pierre philosophale, ils ont tous une recette pour faire de l’or ; mais il faut d’abord leur en donner. C’est une vieille histoire que l’assemblée a grandement raison de ne pas vouloir recommencer.

Si M. Considérant ne réussit pas, s’il a dépensé sans fruit l’argent du trésor, il offre au trésor public et à la France une garantie et un dédommagement. On pourra mettre M. Considérant à Charenton, du consentement même de M. Considérant. Il y a des personnes que ce plaisir peut toucher. Nous sommes persuadés que M. Passy y serait tout-à-fait insensible, et qu’il n’entend pas le payer au prix que M. Considérant l’estime.

Parlons sérieusement, car nous sommes de ceux qui croient qu’il faut traiter sérieusement le socialisme, non pas seulement parce qu’il est un danger, mais parce qu’il a l’air d’être une doctrine. M. Considérant reproche à la société de rejeter le socialisme sans l’avoir éprouvé. M. Considérant oublie deux choses, la manière dont procède le bon sens public et la manière dont se font les expériences dans ce monde. Il oublie que le bon sens public n’a pas besoin, pour juger les doctrines, de les voir à l’essai. Il les juge par la raison, et ce jugement a toujours suffi dans le triage que le monde fait des bonnes et des mauvaises théories. Il y a du matérialisme à croire que l’expérience matérielle peut seule