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pendant l’invocation de Jean, soient d’un effet sérieux et dramatique ? M. Meyerbeer comprendra nos doutes ; il en sait là-dessus bien plus que tous les critiques du monde.

Nous voilà arrivés au cinquième acte, où se dénoue la catastrophe de ce drame lugubre. Le théâtre représente un caveau dans le palais de Munster. C’est là que Fidès a été renfermée par ordre du prophète, qui, par cette mesure prudente, a voulu sauver sa mère de la vengeance des trois anabaptistes. Seule dans ce caveau, Fidès chante une cavatine d’un caractère religieux et tendre. Le duo qui suit cette cavatine entre le fils repentant et sa mère indignée est plein de vigueur, surtout dans le passage suivant :

Va-t’en, va-t’en, tu n’es plus rien pour moi.

Cette scène, qui est la contre-partie de celle du quatrième acte, est du plus vif intérêt, et a été admirablement rendue par le compositeur. Le trio chanté par Jean, Fidès et Berthe est un délicieux nocturne qui a le tort d’être trop joli pour la situation. Enfin l’air bachique que chante le prophète avant d’expirer sous les ruines de son palais, est mélodieux et bien rhythmé. La pièce se termine par un magnifique incendie qui étouffe tous les communistes de Munster.

La physionomie générale de la nouvelle partition de M. Meyerbeer, c’est le recueillement et la grandeur. On y sent partout le souffle d’une ame vigoureuse, l’empreinte d’une intelligence élevée. Toutes les situations dramatiques indiquées par le libretto ont été saisies et rendues avec un grand bonheur par M. Meyerbeer ; et s’il y a de temps en temps des lacunes et même des longueurs dans ce drame théologique où l’amour est sacrifié à des préoccupations plus sévères, c’est que le génie positif du compositeur ne retrouve la vigueur qui lui est propre que lorsqu’il a à peindre des caractères fortement accusés, en lutte avec les réalités de la vie. Voyez, par exemple, l’admirable physionomie qu’il a su donner à Fidès, la mère de Jean. C’est là un type véritable de femme chrétienne, à la fois chaste et passionnée, qui n’a pu être créé, évidemment, qu’avec des souvenirs intimes et des émotions personnelles pieusement recueillis au fond du cœur. On pourrait désirer sans doute un peu plus de variété et d’abandon dans la musique du Prophète, dont le sujet constamment sombre fatigue parfois l’attention. L’orchestration, nous l’avons déjà remarqué, est travaillée avec un soin extrême. On y trouve des combinaisons piquantes et ingénieuses, des accouplemens de timbres dont l’effet nous semble plus curieux que dramatique. C’est une pente dangereuse que celle qui conduit à la recherche des sonorités étranges et des modulations multipliées. Claudien et Sénèque sont infiniment plus riches en épithètes et en images compliquées que Cicéron et Virgile ; et quand on ne possède pas la science et la profondeur de M. Meyerbeer, le système d’instrumentation qu’il autorise