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puisse réjouir la divinité, je veux dire l’effort respectueux et hardi de la pensée de l’homme, lorsqu’elle interprète les paroles saintes et développe de siècle en siècle la philosophie des choses révélées.

Telle est cette première partie de l’œuvre de M. Hippolyte Flandrin : dans le fond, une grande composition, où la plus haute idée morale est rendue avec une simplicité hardie ; à droite et à gauche, une série de figures qui retracent à l’esprit l’enseignement du Christ et l’interprétation des pères, c’est-à-dire la tradition primitive, le fondement vénéré de cette loi dont le plus sublime dogme est inscrit sur l’abside en éclatans caractères.

Entrez maintenant dans la galerie à droite, vous verrez en face de vous un des meilleurs épisodes de ce beau poème. M. Flandrin avait à peindre, au-dessous d’une fenêtre, la partie inférieure de la muraille qui conduit à l’abside latérale ; il a pensé qu’il devait associer par une même conception le sujet de cette muraille et celui de l’abside, car deux compositions trop distinctes dans cette galerie étroite se seraient nui l’une à l’autre, tandis que, réunies par la volonté du peintre, elles donnent à cette partie de l’édifice un développement et une richesse inattendue. Il a donc figuré sur la muraille une procession de martyrs qui se dirigent vers l’abside, et, sur cette abside, il a peint le ravissement de saint Paul. La procession des martyrs est d’un grand caractère ; douze ou treize personnages, revêtus de la victorieuse auréole, s’avancent avec une gravité douce, avec une joie mâle et contenue. Ils tiennent de longues palmes dans leurs mains. Le bonheur du triomphe éclate dans leurs yeux ; bonheur austère, triomphe pacifique et sans faste, comme celui d’une grande ame après le devoir accompli. Je ne saurais me défendre d’une sympathie profonde pour cette peinture idéale, pour cet art vraiment philosophique, si habile à traduire par de belles formes les intimes sentimens de la conscience. Ce pur accord de la vérité intérieure et de la beauté qui ravit les yeux n’est-il pas le but suprême de l’art ? Ce n’était pas assez pour M. Hippolyte Flandrin d’avoir si bien interprété les secrètes émotions de ses héros ; il a placé au-dessus de cette procession deux anges qui éclairent plus nettement encore la pensée de la scène. L’un d’eux exprime la victoire de l’homme sur ses passions ; de sa main gauche il tient avec force et serre sur sa poitrine le joug dont il a débarrassé son front, tandis que sa droite, résolûment tendue, agite la glorieuse palme qu’il vient de conquérir. Le mouvement de ce bras droit est admirable ; on sent, sous le calme du succès, le frémissement de la lutte, et la belle inscription tracée sur le mur semble s’échapper des lèvres de l’ange : Seigneur ! tu as brisé mes liens, dirupisti vincula mea. L’autre, animé peut-être d’une énergie plus radieuse encore, est vraiment l’ange du martyre : appuyé de sa main gauche sur sa longue épée, il saisit de sa main droite et, d’un geste superbe, il élève triomphalement vers le ciel son immortelle couronne. Ce n’est plus l’ange du combat, c’est l’ange de la victoire. La gradation des deux idées est rendue avec un dramatique intérêt qui satisfait complètement l’esprit, en même temps que la pureté des lignes, la souplesse des ajustemens, la grace enfin de ces beaux corps blancs détachés sur un fond bleu, attirent et enchantent le regard. Le ravissement de saint Paul, représenté sur l’abside, est la conclusion naturelle des peintures qui décorent cette galerie. Sur les ailes de la méditation et de l’amour, l’homme du troisième ciel, comme