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ceux qui assistaient à ce triomphe presque dérisoire, de se rappeler que, sur cette même place du Quirinal, dix-huit mois auparavant, le saint pontife avait été presque adoré par la foule agenouillée ! Combien peu de temps avait suffi à ce peuple égaré pour méconnaître ainsi la plus grande autorité qui soit dans le monde ! Que fallait-il augurer de l’avenir ? « Ce n’est encore qu’une tempête dans un verre d’eau, disait M. Rossi ; Turin et Naples sont les parois du verre : si ces parois viennent à rompre, tout est à craindre. »

Ce fut de Naples, en effet, que partit l’impulsion qui vint, dans ce moment de crise, si fort accélérer la marche du mouvement révolutionnaire en Italie. Jusqu’alors le gouvernement napolitain avait paru assister avec indifférence et presque avec humeur au grand couvre de la régénération italienne inauguré par Pie IX au lendemain de son avènement, et sinon accomplie partout avec succès, du moins tentée dans tous les états de la péninsule. Il n’y a personne sachant un peu en détail ce qu’était, à cette époque, le régime intérieur du royaume des Deux-Siciles, qui ne comprenne quelles devaient être les appréhensions du roi de Naples et combien elles étaient naturelles. Il ne pouvait douter que la même agitation libérale qui avait mis en émoi tous les esprits italiens pénétrât bientôt dans les provinces voisines des légations et jusqu’au sein de sa capitale, et n’y réveillât de nombreuses et vives sympathies. Quelle satisfaction donner aux exigences qui s’allaient produire ? Ces réformes que partout ailleurs les populations italiennes sollicitaient avec ardeur de leurs souverains, qu’elles se montraient si heureuses de recevoir, ces institutions législatives et administratives, objet de leur ambition, tout cela était depuis long-temps en plein exercice dans la portion des états de sa majesté sicilienne située de ce côté du Phare ; car, il faut l’avouer, si la constitution politique du royaume de Naples était défectueuse, la constitution législative et administrative des provinces de la terre ferme laissait en elle-même peu de chose à désirer. Nous avons nous-même exposé autrefois dans ce recueil[1] comment toutes les traditions françaises avaient, dans cette portion de l’Italie, survécu à l’occupation. La plupart de nos institutions, légèrement modifiées, quelquefois améliorées, notamment en ce qui regarde le code pénal et de procédure criminelle, régissaient Naples depuis 1515. Les abus (ils étaient nombreux) dont les populations avaient à se plaindre tenaient aux habitudes fâcheuses des hommes chargés d’appliquer ces institutions, plutôt qu’aux institutions elles-mêmes. En matière de gouvernement à Naples, la lettre était bonne, si l’on peut s’exprimer ainsi ; l’esprit seul était mauvais. Malheureusement on ne

  1. Voyez la livraison du 1er décembre 1841.