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la France de puissance rétrograde, l’accuser de trahison, rompre avec notre ambassade, et pousser à la guerre avec l’Autriche. Combien de nobles et de personnes bien placées dans le monde ne s’en faisaient faute qui sentaient cependant combien M. Rossi pensait juste, qui maudissaient tout bas les concessions déjà accordées, qui au fond du cœur souhaitaient peut-être la venue des Autrichiens pour mettre à la raison ceux avec lesquels ils n’osaient pas ne point frayer ! Rien n’impatientait plus M. Rossi que de voir le parti modéré faire aussi fausse route. « Mais enfin, leur disait-il avec sa parole froide et mordante, que voulez-vous avec ces incessantes provocations contre l’Autriche ? Elle ne vous menace point ; elle reste dans les limites que les traités lui ont tracées. C’est donc une guerre d’indépendance que vous voulez ? Eh bien ! voyons, calculons vos forces : vous avez soixante mille hommes en Piémont, et pas un homme de plus en fait de troupes réglées. Vous parlez de l’enthousiasme de vos populations. Je les connais, ces populations. Parcourez vos campagnes, voyez si un homme bouge, si un cœur bat, si un bras est prêt à prendre les armes. Les Piémontais battus, les Autrichiens peuvent aller tout droit jusqu’à Reggio en Calabre sans rencontrer un Italien. Je vous entends : vous viendrez alors à la France. Le beau résultat d’une guerre d’indépendance que d’amener une fois de plus deux armées étrangères sur votre sol ! Des Autrichiens et des Français se battant sur les champs de bataille de l’Italie, n’est-ce pas là votre éternelle, votre lamentable histoire ? Et puis, vous voulez être indépendans, n’est-ce pas ? Nous, nous le sommes. La France n’est point un caporal aux ordres de l’Italie. La France fait la guerre quand et pour qui il lui convient de la faire. Elle ne met ses bataillons et ses drapeaux à la discrétion de personne. »

Hélas ! le temps n’était plus où ces vives apostrophes pouvaient servir. Le pouvoir était déplacé ; il était passé aux mains des masses conduites par des chefs aussi violens que dépourvus d’intelligence. Des scènes déplorables ne prouvaient que trop chaque jour quel ascendant ce petit nombre de meneurs avait conquis sur ce peuple de Rome naturellement si doux, naguère encore si plein d’affection et de respect pour son souverain. Il avait été question de donner une fête pour le 1er janvier 1848. Le pape avait décidé que la fête n’aurait pas lieu. Grande rumeur à ce sujet. Pie IX céda comme à son ordinaire ; il consentit même à sortir pour se montrer au peuple. Aussitôt la foule environne sa voiture en hurlant autour des portières toutes sortes de cris incohérens. Des enfans déguenillés grimpent sur les marchepieds. Un tribun sans valeur, auquel nos gazettes ont donné une sorte de célébrité, Cicerovacchio, monte derrière la voiture du pape et agite au-dessus de sa tête un énorme drapeau tricolore. Qu’il était amer, pour