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prince, aussi bien que dans celui du dernier de ses sujets. Ils y réveillaient cette profonde ambition nationale, fond même du caractère piémontais, qui est son honneur dans le présent, qui fera sa gloire peut-être dans l’avenir. Personne n’ignorait que monseigneur Corboli, arrivé de Rome à Turin depuis la nomination du cardinal Ferretti, négociait avec le gouvernement sarde une union douanière à laquelle tous les souverains d’Italie devaient être plus tard invités à prendre part. On se racontait avec satisfaction, à Turin, le bon accueil que l’administration avait fait à cette proposition du saint-siège. La joie publique fut plus vive et moins contenue quand on sut, après l’occupation de la ville de Ferrare, que le roi s’était exprimé, à ce sujet, en termes assez vifs sur le compte de l’Autriche. On citait, avec des commentaires infinis, les termes de deux billets qu’il aurait adressés à M. de Proni et à son secrétaire particulier, M. de Castagnette, et dans lesquels il parlait, disait-on, de tirer l’épée pour la sainte cause de l’Italie. Ces expressions furent vite répétées en Piémont, bientôt répandues dans l’Italie entière. Les esprits s’exaltaient de plus en plus.

C’est au plus fort de cette effervescence que le gouvernement français eut à prendre une décision sur l’incident de Ferrare. Il lui fallait parer à de nombreux dangers. Il avait à protéger l’Italie contre les colères de l’Autriche et ses velléités d’intimidation, à préserver les gouvernemens italiens contre leurs propres entraînemens, à empêcher que les conseils inconsidérés de l’Angleterre ne les fissent se méprendre sur le véritable état de l’Europe ; c’est-à-dire qu’il devait agir à la fois en Autriche, en Italie et à Londres. C’est ce que fit aussitôt le ministre des affaires étrangères de France.

Il fallait avant tout obtenir de l’Autriche qu’elle fît cesser un état de choses qui n’avait aucun avantage pour elle et qui entretenait une si funeste agitation. Une lettre officielle, qui avait été adressée par le prince de Metternich à M. Appony, et qui avait été communiquée par cet ambassadeur à notre gouvernement, ne permettait pas à notre ministre de prêter au gouvernement autrichien tout le mauvais vouloir dont on le croyait généralement animé vis-à-vis du pape. Dans cette pièce, datée d’août 1847, le prince, après avoir parlé de sa vieille expérience, après avoir établi les conditions qui faisaient, selon lui, la prospérité des états, portait un jugement détaillé sur la situation du pape et des états romains. « Je ne doute pas, disait-il, des bonnes intentions du saint père ; mais pourra-t-il ce qu’il veut ? Les révolutionnaires, les malintentionnés sont là pour tirer un parti funeste des réformes bonnes en elles-mêmes, et que l’Autriche est d’ailleurs disposée à approuver, puisqu’elle les a conseillées elle-même en 1831. Ne voudra-t-on pas mener le pape plus loin ? doit-il s’y laisser mener ? le peut-il ? La position de chef de la communion chrétienne lui laisse-t-elle,