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contempler ses traits, s’avançait, mêlé à tous et précédé par plusieurs personnes, l’ambassadeur de France, M. Rossi. Le pape le reconnut, l’appela, et, lui prenant affectueusement les mains, lui adressa les plus bienveillantes et les plus flatteuses paroles.

Témoin plus tard d’une sinistre scène, Rome a vu M. Rossi tomber sanglant sur les marches de ce trône qu’en vain il a voulu couvrir de son corps. Le gouvernement représenté alors par M. Rossi a-t-il lui-même, jusqu’au jour de sa chute, fait un instant défaut à la cause italienne libérale et modérée qu’au lendemain de son élection l’auguste pontife plaçait ainsi sous le patronage de la France ? On va en juger.

Ce serait se faire une très incomplète et très fausse idée du mouvement qui, à Rome et dans le reste de l’Italie, agitait les esprits à l’avènement de Pie IX, que de le confondre, soit avec l’effervescence révolutionnaire excitée par la première invasion de nos armées républicaines, soit avec les agitations constitutionnelles de 1820, soit enfin avec les tentatives insurrectionnelles de 1831 et 1833. Il y aurait dans ce jugement autant d’injustice que de légèreté. Il est vrai, les anciennes fautes ne furent pas jusqu’au bout évitées ; mais, si les dernières scènes qu’il va nous falloir raconter, si le dénoûment fatal ne rappellent que trop un désastreux passé, hâtons-nous de le dire, l’origine et les débuts furent différens et plus heureux. En 1796, les idées politiques et philosophiques du XVIIIe siècle, franchissant pour la première fois les cimes des Alpes avec les soldats de Montenotte et d’Arcole, n’apparurent guère aux populations que comme autant de machines de guerre dirigées contre les souverains du pays, contre la noblesse et contre le clergé. Comprises à peine par les rares lecteurs de Voltaire et de Rousseau, et par les adeptes peu nombreux des économistes italiens du dernier siècle, ces modernes théories ne pénétrèrent jamais bien avant. Enseignées par de sceptiques vainqueurs, elles blessaient à la fois la conscience religieuse et la fierté nationale des vaincus. Si les classes moyennes se sont plus tard réconciliées avec ces mêmes institutions, c’est que, relevées par elles de leur condition inférieure, placées sous l’administration régulière de Murat à Naples, d’Eugène à Milan, mises directement, à Rome et à Turin, sous la tutelle éclairée des préfets de l’empire, elles comprirent à la longue le surcroît de bien-être et de considération qu’elles en pouvaient tirer. Moins sensibles à ces avantages, ou mécontentes de les devoir à la domination étrangère, les classes inférieures demeurèrent toujours ou profondément indifférentes ou sourdement hostiles au régime venu de l’étranger. Les importations constitutionnelles essayées en 1820 et 1821 ne furent pas mieux goûtées de la population, et les mouvemens insurrectionnels tentés à Bologne et à Ancône n’eurent pas, pour la même cause, plus de succès auprès du peuple des campagnes. Par leur inertie, les masses italiennes déjouèrent successivement