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avaient eu facilement raison des troubles de 1831 : en 1833, l’occupation de Bologne par les troupes impériales et l’envoi d’une garnison française à Ancône avaient suffi à maintenir l’autorité du saint-siège ; mais contre l’envahissement des idées libérales, contre le vœu des habitans des légations, revendiquant, à bon droit, les réformes promises, que pouvaient ces secours étrangers ? Pour conjurer les périls chaque jour croissans, d’autres armes auraient été nécessaires. Heureux les Romains, si, avec les vertus du prêtre et la science du théologien, ils avaient pu, dans le chef que l’église venait de se donner, trouver aussi les dons de l’homme d’état et les lumières du prince temporel ! Grégoire XVI, gardien vigilant des intérêts de la catholicité, et dans des temps difficiles continuateur prudent des traditions du saint-siège, fut moins heureux dans le gouvernement de ses propres états. Pontife humain, il avait été obligé, au début de son règne, d’accepter pour vengeurs de ses droits les implacables volontaires de Ravenne et de Forli. Monarque éclairé, il n’avait pas osé porter la main sur les abus de l’administration romaine. De son vivant, tout espoir avait été interdit à ses sujets d’obtenir jamais aucune de ces sages réformes alors si vivement désirées, et déjà mûries ou concédées sur d’autres points de la péninsule par des souverains plus prévoyans. Que d’embarras sa mort n’allait-elle pas léguer à son successeur ! que de vieux ressentimens long-temps comprimés prêts à éclater ! que d’espérances incessamment ajournées, promptes à renaître ! et peut-être aussi de coupables projets, n’attendant, pour troubler de nouveau les états de l’église, que le signal d’un changement de maître !

Le moment était grave pour Rome, pour l’Italie, pour le monde entier. Ainsi le comprit la foule recueillie qui, le dimanche 14 juin au soir, vit clore et murer devant elle les portes du conclave. Ce n’était cette fois ni des intérêts des divers cardinaux, ni des rivalités ordinaires des cours de France et d’Autriche que s’entretenaient curieusement les groupes nombreux qui sillonnaient les vastes solitudes de la ville éternelle. La préoccupation était générale ; l’anxiété se lisait sur tous les visages. Les membres du sacré collège, la plupart étrangers aux affaires, nommés presque tous par le dernier pape, voudraient-ils céder aux nécessités nouvelles ? sauraient-ils découvrir et choisir entre eux tous celui que les temps appelaient ? L’attente ne fut pas longue. Le 17 au matin, les clôtures du conclave tombaient, et, solennellement proclamé du haut des balcons du Quirinal, le nom du cardinal Mastai enivrait tous les cœurs de joie et d’espérance. L’élection du nouveau pape fut suivie de son intronisation. Revêtu de ses habits pontificaux, assis sur un fauteuil au bout d’une des longues galeries du Quirinal, Pie IX voulut recevoir les premiers hommages du public et donner sa bénédiction à ses sujets. Cependant, au sein de cette foule avide de