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REVUE DES DEUX MONDES.
LE PRINCE DE CONDÉ.

Sire, je ne supposais pas que ces accusations dussent être repoussées, sinon par le mépris. L’amour que vous portez à ceux de votre sang vous fait souhaiter que la lumière se fasse même sur des fables ridicules ; elle se fera, sire. Quand mes accusateurs voudront bien se montrer, ils seront confondus : je les forcerai de confesser leur honte et leurs calomnies. Jusque-là, pour établir ma parfaite innocence, je n’ai qu’un mot à dire au roi : Si je me sentais coupable, je ne serais pas ici. Je quitte une province d’où je pouvais en sûreté défier tous mes ennemis. Je viens au milieu de gens que je sais conjurés à ma perte ; j’y viens sans autre défense que mon droit et votre justice ! est-ce là, je le demande, agir en criminel d’état ?

LE ROI.

Vous prenez légèrement mes paroles. Tout cela est plus sérieux que vous ne pensez, mon cousin. Les faits sont connus, j’ai les preuves sous les yeux… prenez-y garde !

LE PRINCE DE CONDÉ.

Des faits, des preuves !… dites d’odieux mensonges, d’infernales faussetés. Ah ! sire, c’est moi maintenant qui vous demande, qui vous supplie de me faire voir face à face ces inventeurs de preuves, ces fabricans de complots. Je suis prêt à répondre à tout, soit qu’il leur plaise de fouiller encore à ces affaires d’Amboise dont je me suis pourtant assez bien lavé pour qu’on n’ose plus y revenir, soit qu’il s’agisse de désordres plus récens dont je suppose qu’ils m’auront fait honneur ! Je sais comme ils s’y prennent pour nous perdre dans votre esprit, nous, vos plus proches et meilleurs parens. Que ne sont-ils donc là, sire, à vos côtés, où j’espérais les voir ! Que ne puis-je arracher leur masque et vous les montrer tels qu’ils sont, aussi dangereux à votre couronne que funestes à la paix publique.

LE ROI.

Mon cousin, défendez-vous, n’attaquez pas les autres.

LE PRINCE DE CONDÉ.

S’ils ont un peu de cœur, c’est à la pointe de nos épées que nous viderons cette querelle ; mais, s’ils ne se battent point, qu’ils se fassent au moins mes parties d’égal à égal, devant tels arbitres qu’il vous plaira de nous donner : pourvu que le juge soit libre, la sentence sera pour moi. Non-seulement je n’ai jamais eu le malheur, pas plus en pensée qu’en action, d’entreprendre quoi que ce soit contre votre personne et l’état de votre royaume, mais je soutiens qu’après les princes vos frères, vous n’avez pas deux serviteurs plus intéressés que mon frère et que moi à la grandeur, à la perpétuité de votre couronne ; que mon bras, ma vie, mon sang, n’appartiennent qu’à vous et à l’état : voilà ce que j’affirme,