Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/449

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
383
LES ÉTATS D’ORLÉANS.

point de signature, rien que des chiffres… Mais c’est la main du cardinal ! Alors j’y suis. Avec un peu d’attention, ce sera bientôt lu. (Après une assez longue pause, il lit :) « Un valet du roi, porteur de lettres pour les princes, part ce soir d’Orléans. » Oui, c’est bien cela : «… Part ce soir d’Orléans. Ne souffrez qu’il parle à personne. Emparez-vous des dépêches et remettez-les vous-même. Un mot de cet homme peut tout perdre. » Peste ! encore de la besogne ! Des dépêches, un valet… Tout cela est fort commode. M. de Lorraine ne doute de rien. Veut-il donc que je me mette à l’affût pour attendre son homme ? N’ai-je pas mieux à employer mon temps que de faire ici le pied de grue ? (il va prêter l’oreille à la porte de la chambre du roi.) Notre ambassadeur est encore là. Ce bon M. de Bourbon, il doit avoir besoin que je lui donne un coup d’épaule. Heureusement d’Armagnac est avec lui. (Après avoir relu le papier qu’il tient encore à la main et l’avoir déchiré.) Prenons toujours nos précautions, (il fait signe au valet de s’approcher.) Écoute. Tu vas aller chercher La Flèche et Gautier. Si vous voyez rôder par là une figure inconnue, vite, un bâillon sur la bouche, deux bonnes cordes aux deux poignets, et droit dans le caveau du donjon ; puis vous viendrez m’avertir. Tu as bien entendu ?

LE VALET.

Oui, monsieur le chancelier. (Il sort.)



Scène II.

BOUCHARD, seul, puis STEWART.


BOUCHARD.

Maintenant, je vais au secours de notre cardinal. Voilà demi-heure qu’ils sont en conférence. Ce n’est pas mauvais signe. J’aurais cru que M. le prince lui donnerait son congé dès les premières paroles. Entrons. (Il se dirige vers la porte de la chambre à coucher, mais, en portant les yeux du côté de la galerie, il aperçoit un homme enveloppé d’un manteau qui s’introduit avec précaution.) Eh ! mais, serait-ce déjà le camarade ? Parbleu ! je connais ce masque-là ! Le vieil Écossais du roi ? (Élevant la voix.) Bonjour, monsieur Robert. Par quel hasard dans ces lieux ? et pourquoi ces airs de mystère ?

STEWART.

À chacun son tour. N’ai-je pas vu hier un chancelier de Navarre s’échapper à pas de loup du logis de M. de Lorraine ?

BOUCHARD.

Que dites-vous là, s’il vous plaît ?

STEWART.

J’ai détourné les yeux ; qu’il me rende la pareille.

BOUCHARD.

Ah çà ! vous radotez, mon ami. Moi, hier à Orléans !…