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le tonnage sous tiers-pavillon[1]. Les Américains ont su se faire la plus large part dans cette navigation du tiers-pavillon, véritable affaire de messagerie. Ont-ils eu besoin, pendant cette période qui leur a été si favorable, que leur gouvernement manifestât son intervention armée ? Non, et ils ont réalisé dans nos ports, par leur propre activité, ce que, malgré tout l’appui du pavillon de guerre français, nos navires nationaux n’ont pas su obtenir ailleurs.

Avons-nous du moins ouvert à la navigation française des voies nouvelles ? On l’a tenté sans succès. Sur un point seulement, la côte occidentale d’Afrique, l’initiative d’un de nos officiers les plus distingués a créé des débouchés dont notre industrie manufacturière a su tirer parti en même temps que notre pavillon de commerce. Mais l’expédition de Chine, dirigée par un officier-général aussi éclairé qu’appliqué au bien de la marine, qu’a-t-elle produit ? Les échantillons rapportés par une commission spéciale, et communiqués aux chambres de commerce par les soins du gouvernement, ont pu déterminer des échanges entre la France et le Céleste-Empire ; mais on ne citerait pas un navire français expédié de nos ports pour ces transactions nouvelles. Depuis le retour de la division de M. l’amiral Cécile, on n’a vu dans les mers de Chine d’autre navire français qu’une corvette de guerre. Et cependant, en ordonnant l’expédition de Chine, en cherchant à procurer au commerce et à la navigation de nouveaux débouchés dans le Grand-Océan, le gouvernement a cédé aux vœux des chambres de commerce, en même temps qu’à l’entraînement de ses propres espérances. L’épreuve est décisive, et si l’on veut, en effet, relever notre navigation, c’est à des combinaisons d’un autre ordre qu’il faut désormais recourir[2].

  1. Mouvement du tonnage par :
    Année Navires français Navires de la puissance Tiers-pavillon
    1825 474,000 tonneaux 610,000 213,000
    1830 390,000 780,000 259,000
    1835 570,000 1,003,000 247,000
    1840 908,000 1,320,000 363,000
    1843 « « «
    1844 770,000 1,596,000 435,000
  2. Dans l’intérêt du commerce français, il est temps d’aviser à rendre la vie à la navigation marchande. La marine militaire, qui tire de cette navigation son personnel de matelots, y est elle-même directement intéressée. Pénétré de la nécessité d’agir, nous aurions voulu traiter à fond cette question si délicate et si complexe. Mais le plan de ce travail ne comportait pas les développemens que nous ne pourrions nous dispenser de consacrer à cet intérêt vital. Une question aussi grave mérite d’être l’objet d’une étude spéciale.