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un peuple de laboureurs veut y suivre les vingt mille colons que 1848 y a vu débarquer. Quelles sollicitudes ne doit donc pas exciter la nécessité de maintenir constante et sûre la communication entre ces deux portions de la France qu’une mer sépare ! Si nous devions voir s’interposer entre, Toulon et Alger une flotte ennemie sans qu’une escadre française fût prête à la combattre, mieux vaudrait renoncer immédiatement à l’Algérie. Ce serait économie de sacrifices et d’humiliation.

Mais pourquoi supposer l’éventualité de malheurs qu’il serait si facile de prévenir ? L’instrument est déjà dans nos mains. La flotte qui, en 1830, a débarqué sur le littoral africain l’armée de la conquête, la flotte sans le concours incessant de laquelle cette armée, vingt fois renouvelée, n’aurait ni combattu ni vécu, suffira, sans qu’il soit besoin de l’accroître outre mesure, à maintenir ce qu’elle a donné. Seulement il faudra ménager avec une sage économie les moyens d’action de l’armée navale, et, tout en assurant à d’autres intérêts, dont la prospérité importe à la vie du pays, la protection du pavillon militaire qui leur est indispensable, ne pas excéder pour cette protection la limite du nécessaire ; ne pas oublier surtout que garantir la liberté, la perpétuité des relations entre la France et l’Algérie, ce sera servir puissamment ces intérêts dont la navigation est le principe. Nous voulons parler du commerce maritime.


Protection du commerce.

Le marin, en mettant le pied sur son navire, ne croit pas quitter la patrie : elle s’avance avec lui sur les mers. La planche qu’il monte est comme la prolongation du territoire national. Cette noble fiction, que tous les peuples ont consacrée par leurs lois écrites, est nécessaire, il n’en faut pas douter, pour déterminer l’homme à courir les chances de la navigation. Comment irait-il porter au loin soit les produits naturels du sol, soit les œuvres de l’industrie de ses concitoyens, s’il ne se sentait pas sous l’égide d’un pavillon respecté ? La mer est ouverte à qui la veut parcourir : elle est libre. Plusieurs peuples modernes ont, il est vrai, prétendu la dominer. Espagnols, Hollandais, Anglais, Français, y ont successivement échoué. Chacun d’eux a éprouvé tour à tour, à ses dépens, combien le joug de cette prétention serait lourd s’il devait être subi.

Ce n’est qu’en arborant dans tous les parages fréquentés leur pavillon de guerre que les nations maritimes ont obtenu ce grand résultat de la liberté de la navigation, et qu’à la liberté s’est jointe, d’année en année, la sécurité. Il s’est fondé, sous la sanction de ces forces d’origines diverses et sans cesse en présence, un droit international, et, par suite, une police propres à la mer. Aussi, tandis qu’il y a un siècle à peine, nos ports expédiaient des corsaires qui allaient guerroyer pour le compte de leurs armateurs ; tandis que l’on a vu se former l’empire de ces flibustiers dont