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seront pas, comme les années précédentes, outre-passées, et alors, il faut le proclamer bien haut, ce n’est pas le moment de rien enlever à nos approvisionnemens, rien, pas même un mètre cube de bois.

La discussion du budget va s’ouvrir devant une assemblée qui ne compte dans son sein que deux amiraux, tous deux absens pour le service de l’état ; où siègent encore sans doute trois officiers de corps spéciaux à la marine, officiers auxquels ne manqueront, pour la défendre, ni la science, ni le talent, ni le dévouement ; assemblée où l’on retrouve, il est vrai, les grands orateurs qui ont pris si noblement à cœur l’avenir de la flotte dans la discussion de 1846, mais où ces hommes d’état, préoccupés des complications du moment, ne sentant plus d’ailleurs l’aiguillon d’une rupture probable avec l’Angleterre, ne rencontreront autour d’eux que bien peu d’intérêts sympathiques à la marine. Nous croyons fermement qu’il n’est pas de voix, si faible qu’elle soit, qui, dans une conjoncture aussi grave, ne doive réclamer les principes et rappeler le passé comme avertissement pour l’avenir.

Nous remplirons ce devoir pour notre part, sans nous laisser arrêter par le sentiment de notre insuffisance. Ce qui nous soutient, c’est la conviction que la vérité seule est notre but, et qu’il ne se mêle à nos recherches aucune préoccupation de personnes.

S’il est admis que la France ne peut se passer d’une marine, il faut savoir quels services elle doit attendre de sa force navale, ce que doit être cette force, et, enfin, comment elle peut être le mieux administrée.


I.

POURQUOI LA FRANCE A-T-ELLE UNE MARINE MILITAIRE ?


Défense du territoire


La France a six cent douze lieues de côtes contre cinq cent soixante-cinq lieues de frontières continentales ; elle a de grands fleuves navigables, des villes importantes assises sur ces fleuves : c’est dire assez que, riche de son sol, jouissant d’un climat tempéré, rendue attrayante par tous les dons de la nature, elle aurait grandement à craindre les atteintes de ces peuples moins favorisés que le besoin d’une meilleure patrie invite à courir les hasards de la mer, si elle ne pensait à défendre son littoral comme elle protège ses frontières du côté du continent, si elle n’avait des vaisseaux comme elle a des places de guerre. Sans remonter