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vont fondre sur ce malheureux pays, et qu’il aurait évités peut-être, s’il avait eu un gouvernement plus sage, plus énergique, plus intelligent, qui comprit mieux les nécessités du moment, et qui, au lieu de suivre la passion populaire et de la surexciter, se fût attaché à éclairer l’esprit public et à le guider dans la voie de la raison. Ces reproches s’adressent aussi à la noblesse, qui, n’ayant plus aujourd’hui de motifs sérieux pour repousser un arrangement, ne montre tant d’ardeur que par crainte de la populace et des clubs. Pourtant le blâme le plus sévère doit retomber sur la classe moyenne, qui avait la situation dans ses mains, et qui, au lieu d’envisager sérieusement ses véritables intérêts et la réalité des faits, se laisse aller à une passion puérile et vaniteuse. Elle compromet aujourd’hui le pays en soulevant une populace qu’on peut comparer à une bête sauvage qu’à force de soins un maître patient et ferme a pu apprivoiser, mais qui reprend sa nature, si elle est excitée imprudemment et si on lui fait respirer l’odeur du sang.

Hier encore, cette dangereuse populace, en se rendant en foule sur le lieu du travail national, montrait ces dispositions de plus en plus exagérées qui annoncent la tempête. Les cris redoublaient, et avec eux l’enivrement. Des groupes passaient des cris aux vociférations, proféraient des menaces de mort aux Bourbons et aux royalistes, et, par une pantomime hideuse, décapitaient en effigie leurs ennemis à coups de hache. Des femmes les excitaient, car ce sont toujours les plus passionnées. Les officiers des escadres qui parcouraient les rues étaient arrêtés par ces démonstrations sauvages. On commençait à hurler contre les belles voitures, et la foule se plaignait que les chevaux de maître ne fussent pas attelés aux charrettes. On lit sur certaines affiches les mots suivans : Viva la guardia nazionale, ma senza armi, perché siamo tutti fratelli. Il y a quelques jours, cette garde nationale aurait réprimé ; aujourd’hui elle laisse faire : demain elle sera victime. Puissent mes prévisions être démenties !


21 mars.

Le vapeur français le Caton est arrivé hier matin, venant de Naples. On savait déjà à Naples de quelle manière les premières ouvertures faites ici par les amiraux avaient été reçues, et le gouvernement napolitain réclamait avec instance la faculté de reprendre les hostilités. Le général Filangieri a écrit à cet égard aux ambassadeurs une lettre où il fait valoir le décret du parlement sicilien pour la levée en masse de la population. Il fait remarquer en outre que les Siciliens attendent d’Angleterre des frégates à vapeur, que ce moyen de guerre peut l’embarrasser beaucoup, et que, par conséquent, tout temps perdu en négociations rend sa tâche plus difficile à remplir. Ces réclamations sont fondées, il faut le reconnaître.

Le roi de Naples s’est résolu à dissoudre les chambres napolitaines, qui continuaient à se montrer très hostiles au ministère dont elles ont demandé itérativement le renvoi en menaçant de refuser l’impôt. Le ministère, en proposant au roi le renvoi du parlement, lui a adressé un rapport dans lequel il énumère les raisons qui rendent cette mesure indispensable. Une des principales, c’est que la chambre des députés n’est pas la représentation sincère du corps électoral ; des manœuvres de partis ont contrarié l’exercice du droit d’élection, de