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qui sont un ultimatum, les puissances se retireraient et laisseraient la guerre avoir son cours.

Cette première objection repoussée, le ministère sicilien en a imaginé une autre non moins bizarre. Il est dit dans l’acte de Gaëte que tout ce qui a été fait depuis le 12 janvier 1848 en Sicile est regardé par le roi de Naples comme non avenu : le ministère en conclut que ni le parlement sicilien ni le gouvernement qui en est l’expression n’existent pour le roi, et que par conséquent ils n’ont pas caractère pour traiter avec lui. La réponse à cette misérable chicane a été assez sévère ; les amiraux commencent à se lasser de ces subterfuges.

Il devient en effet de plus en plus évident que le seul but est de gagner du temps. Dans la séance du 9, où l’on pensait que les ministres soumettraient au parlement l’acte de Gaëte, il n’en a pas même été question. On a voté d’urgence un projet de levée en masse de tous les hommes valides de dix-huit à trente ans. Les préparatifs apparens de guerre se sont multipliés. Des troupes se sont dirigées vers Catane, où l’on suppose que les hostilités recommenceront. Les journaux deviennent de plus en plus violens et ont commencé à injurier la médiation. Les reproches les plus amers sont jusqu’ici pour les Anglais, sur lesquels on avait plus compté que sur nous pour la défense de prétentions exagérées qui pouvaient tourner à leur profit ; mais on a aussi des paroles de colère contre la France, à laquelle on dit qu’il n’est pas digne d’un gouvernement libre et républicain de prendre parti, comme nous le faisons, pour l’infame bombardatore. On voudrait bien jeter la mésintelligence entre les deux amiraux médiateurs ; mais cela n’a pas été possible, et ils ont agi jusqu’ici avec l’entente la plus parfaite. Une conformité complète d’opinions sur la question actuelle, les relations d’amitié qui les lient depuis long-temps, ont déjoué toutes les suggestions et toutes les tentatives. Quelques légères dissidences sur les moyens d’exécution ne les empêchent pas de tendre du même pas vers le but.

Il n’en est pas tout-à-fait de même des Anglais et des Français, officiers et résidens. Les Français sont au fond assez indifférens, bien que quelques-uns d’entre eux aient certainement du penchant pour une cause dont le principe est après tout respectable. Quant aux Anglais, ils ne cachent pas leur sympathie pour la Sicile ni les espérances qu’ils entretiennent. C’est là, je crois, un sentiment général chez les Anglais, et le revirement de politique de lord Palmerston n’est pas une concession à l’opinion publique. Il faut plutôt l’attribuer à son désir de compromettre la France avec l’Angleterre dans la prévision d’une action prochaine à exercer sur la Russie.


18 mars.

Les Siciliens paraissent décidément ne plus vouloir rien entendre. Le parti modéré s’efface de plus en plus. Une modification vient d’avoir lieu dans le ministère, où elle ramène M. Stabile, l’un des hommes les plus ardens et les plus intelligens que la révolution ait conduits à la direction des affaires, et qui, après avoir été renversé du ministère il y a trois mois, a continué d’exercer une grande influence comme président de la chambre des communes. On assure, à tort ou à raison, qu’il est sous l’influence anglaise, et qu’il représente le parti qui est plus disposé à choisir le protectorat anglais qu’à subir la domination napolitaine.