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sez fort pour contenir ce parti exalté et le dominer. Il en subit évidemment la pression, et c’est là qu’est le danger. Il n’osera peut-être pas faire connaître la vérité et combattre pour la raison en éclairant l’opinion sur les vrais intérêts de la Sicile. Ici, comme dans toute l’Italie, ce seront les clubs et la rue, cette négation de tout gouvernement, qui feront la loi. Il y a bien un parti modéré. On suppose qu’une grande portion de la garde nationale, les bourgeois et les marchands, dont les intérêts souffrent beaucoup de la situation actuelle, désirent vivement en sortir, et qu’ils se soumettraient sans trop de difficultés aux conditions proposées. Le clergé, surtout celui qui est riche, aspire certainement à voir les affaires s’arranger pacifiquement, les grands propriétaires et la plupart des nobles sont dans les mêmes dispositions ; mais quelle est la force de ce parti ? Comment pourra-t-il se manifester dans un moment de fière comme celui-ci ? A-t-il assez de courage pour parler, assez d’union pour agir ? Prendra-t-il une initiative ? Comment fera-t-il pour cela ? Saura-t-il vaincre la peur que lui inspire la populace et secouer l’influence que font peser sur lui les clubs et le gouvernement ?


14 mars.

Les affaires n’ont pas beaucoup marché. Le gouvernement, très incertain de la conduite qu’il doit tenir, cherche à gagner du temps et invente toutes sortes d’objections dilatoires. Voici une des premières qui aient été imaginées. Le parlement a juré la constitution ; il a décrété la déchéance et a déclaré l’indépendance : il ne peut donc se prononcer sur les propositions du roi de Naples. En conséquence, il doit se dissoudre. On recourra à de nouvelles élections générales, faites dans l’intention spéciale et connue à l’avance d’interroger l’opinion du pays sur la question posée à la Sicile par les puissances médiatrices. Cette combinaison a la logique pour elle, et, comme elle aura une perspective d’arrangement, quelque incertaine qu’elle soit, les amiraux l’auraient sans doute admise, si elle avait été manifestée par le parlement ; mais il paraît que cette mesure avait des chances de réussite qui n’auraient fait le compte ni des meneurs ni du parlement lui-même : ils auraient craint, en interrogeant le pays, de le voir leur échapper. Il y a des exemples ailleurs de pareilles déceptions. L’idée a donc été abandonnée.

On a eu recours alors à des chicanes et à des arguties. Le ministre des affaires étrangères a accusé réception du décret du roi, ou, comme il l’appelle, de l’acte de Gaëte ; il a demandé en même temps comment le gouvernement sicilien devait considérer la venue des amiraux, et si les deux nations agissaient seulement avec le caractère de médiateurs officieux. C’était là une question singulière, à laquelle répondent assez explicitement les lettres des ministres de France et d’Angleterre aux amiraux et les lettres des amiraux eux-mêmes. Ces documens établissent bien clairement qu’il s’agit d’une médiation bienveillante et officieuse, et que les puissances n’ont l’intention d’employer aucun moyen de coercition ; qu’au mois de septembre dernier, elles ont dû menacer le roi de Naples de la force pour arrêter des hostilités auxquelles il était humain et rationnel de chercher à substituer des négociations, mais que, si désormais les négociations ne pouvaient réussir, et si la Sicile n’acceptait pas les conditions proposées et