Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puis on remonte ce dernier fleuve jusqu’à Saint-Louis. Notre navigation n’offrit rien d’intéressant. J’avais appris chez l’ami de Towhship que le squatter s’était embarqué avec sa famille sur un de ces bateaux plats qui se laissent aller au courant des grands fleuves américains. Arrivé au confluent de l’Ohio et du Mississipi, il avait dû, selon toute apparence, prendre terre pour remonter à pied les rives de ce dernier fleuve jusqu’au rendez-vous commun des caravanes du Far-West. C’était donc à Saint-Louis seulement que j’avais chance de retrouver la famille du squatter, et la marche rapide de notre steamer me permettait de croire que nous arriverions encore à temps pour nous joindre à la caravane dont elle faisait partie.

Situé au centre des fertiles vallées qu’arrosent le Missouri, l’Illinois et le Mississipi, Saint-Louis, ville d’origine française, a bien perdu de l’originalité pittoresque de son ancien aspect. Le mouvement qui anime ses rues est, comme celui de toutes les grandes cités américaines, purement industriel ; mais, à l’époque de notre passage, ce mouvement même avait cessé. La moitié de la population se préparant à émigrer, le commerce languissait, les boutiques étaient fermées pour la plupart, et les ateliers vides. Les ouvriers du port et des chantiers avaient abandonné leurs travaux ; les bras manquaient pour exploiter les mines de houille ou de plomb, et le négociant lui-même ne rêvait plus qu’expéditions lointaines en dehors du cercle habituel de ses opérations. Il semblait que. Saint-Louis expiât en ce moment, par la désertion d’une partie de ses habitans, une prospérité non interrompue d’un demi-siècle.

Le mouvement qui s’était retiré de la ville s’était, il est vrai, porté au dehors, dans l’enceinte des nombreux campemens qui s’étaient formés de tous côtés aux abords de la route que devait suivre la caravane. Il y avait là autant de petits corps d’armée qui allaient se fondre en une seule et gigantesque colonne. Des troupes peu nombreuses ne peuvent pas, en effet, traverser sans danger les immenses déserts qui séparent Saint-Louis du Nouveau-Mexique. La caravane à laquelle nous comptions nous joindre était loin de ressembler à celles qui font périodiquement les voyages du Missouri à la frontière mexicaine. Elle offrait dans sa composition les plus étranges disparates : chaque profession, chaque métier, chaque condition sociale y avait envoyé, pour ainsi dire, un représentant. Le romancier, qui semblait être devenu mon compagnon inséparable, s’était déjà lié avec la plupart de ces chercheurs d’aventures dont j’allais, pendant quelques mois, partager la vie. Il présida aux préparatifs de notre voyage avec une activité vraiment merveilleuse. Grace à lui, nous eûmes bientôt en notre possession un petit chariot couvert, deux vigoureuses mules de trait, deux excellens chevaux de selle, une tente portative, quelques salaisons, deux peaux d’ours et deux couvertures. De plus, mon ingénieux ami m’avait procuré un