Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si ce grand parti de l’ordre dont M. Guizot sollicite ardemment la formation dans sa circulaire ne se hâte pas de prendre en main les rênes de l’opinion publique, et d’agir comme un seul homme en oubliant les divisions d’autrefois. Nous ne voulons pas dire que cet oubli soit facile, nous voulons croire que chacun l’obtiendra de son patriotisme. Autrement où seraient les soldats, si les chefs s’éclipsaient et s’annulaient dans l’ombre de leurs vieux ressentimens ? Il y a bon nombre de cœurs énergiques et de citoyens honnêtes qui ne demandent qu’à servir la cause trop malade d’une société en péril ; mais ils ne veulent plus voir à leur tête les secrètes passions, les sourdes rivalités, les mesquines jalousies qui ont déjà failli tout perdre : ils se décourageraient vite, s’ils ne sentaient au-dessus d’eux que des talens et point encore des caractères.

Au dehors, la guerre en Danemark et en Hongrie, la Sicile et Gênes en feu, Gênes réduite par le canon piémontais, et derrière les gouvernemens de Naples et de Piémont, l’Autriche ; derrière l’Autriche, la Russie. Cette perspective n’a rien qui puisse nous dédommager beaucoup de nos soucis intérieurs.



LA MÉDIATION ANGLO-FRANÇAISE À PALERME


Palerme, 9 mars 1849[1].

Les derniers efforts de la médiation à Naples ont été pénibles. Après avoir longuement débattu les conditions de l’arrangement à intervenir entre Naples et la Sicile, et avoir obtenu à grand’peine des termes avantageux et convenables au point de vue de la liberté civile et politique de la Sicile, il fallait spécifier des mesures qui donnassent des garanties à ces concessions libérales, et qui, en rassurant les personnes sur les conséquences de leur conduite passée, pussent préparer les esprits à accepter l’accommodement.

Il n’y avait aucune chance de pouvoir s’entendre, si on conservait la prétention de faire entrer des troupes napolitaines à Palerme : toutes les opinions sont unanimes à cet égard. Il était évident, d’un autre côté, qu’une des bases de la réconciliation devait être un complet oubli du passé, et par conséquent une entière amnistie pour tout acte politique. La concession de ces conditions, regardées comme indispensables, n’avait pu être obtenue du général Filangieri, qui s’y refusait absolument, et qui avait déclaré n’avoir plus rien à accorder au-delà de ce qui était déjà stipulé avec les plénipotentiaires. Il fallut que les ministres de France et d’Angleterre, auxquels se joignirent les deux amiraux, se rendissent à Gaëte, auprès du roi, pour lui exposer eux-mêmes la situation et l’amener aux concessions nécessaires. Le roi reçut avec beaucoup de bienveillance les quatre hauts personnages, et leur accorda ce qu’ils étaient venus lui demander.

  1. Ces lettres sur la Sicile nous sont adressées, du théâtre même des événemens, par une personne qui a pu suivre de près la marche des négociations entamées par la médiation anglo-française à Naples comme à Palerme.