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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 avril 1849.

« C’est le jour des confessions, » disait avant-hier M. Ledru-Rollin du haut de la tribune, et il épanchait le fond de son cœur révolutionnaire pour la plus grande joie de la république démocratique et sociale, pour la plus grande instruction de la France, qui ne savait pas encore assez officiellement par qui elle eut l’honneur d’être un temps gouvernée. Patience cependant : elle l’apprendra. Voici que les révélations lui arrivent de toutes parts, et s’il lui plaît maintenant de recommencer l’expérience, ce ne sera pas faute d’être suffisamment informée. Il semble qu’une sorte de fatalité pousse nos hommes d’état de l’année dernière à nous raconter aujourd’hui les nudités de leur histoire intime. Ce qu’on en surprenait jadis par-dessous leur enveloppe de pourpre n’était pas déjà de très bon augure ; ils ne gagnent absolument rien à se déshabiller eux-mêmes. Ils ont surtout bien choisi leur moment, et nous les encourageons fort à continuer jusqu’au bout cet examen de conscience dont ils régalent si bénévolement le public. À la veille des élections, la meilleure propagande que nous puissions opposer aux doctrines radicales, ce sont les indiscrétions trop complaisantes des apôtres du radicalisme. Ainsi l’assemblée nationale n’aura mis tant d’obstination à prolonger son mandat que pour préparer au pays le spectacle de cette lessive générale d’où tout le monde ne sortira pas très blanchi, et dont les éclaboussures ne laisseront pas de rejaillir sur elle ; évidemment il y a compensation à tout. L’assemblée n’a pas été, d’ailleurs, le seul théâtre de ces confessions traîtresses ; comme ce n’est pas l’humilité, comme c’est encore moins la charité qui les inspire, elles se sont produites partout où elles ont trouvé l’occasion de s’étaler en se vengeant. Les fondateurs et les sauveurs de la patrie républicaine n’ont pas tous couru les mêmes chances depuis février. Ceux qui sont venus échouer sur les bancs de la justice tiennent à parler aussi bien que ceux qui ont jeté l’ancre sur les bancs de la constituante. Les procès de Bourges et de Poitiers n’ont pas été moins féconds en découvertes que les incidens parlementaires, et les hauts personnages du jour, appelés là en qualité de témoins, ont dit des choses qui n’étaient pas beaucoup moins curieuses que les allégations des accusés. À Bourges, à Poitiers, à Paris, la révolution a, de ses propres mains, ôté son masque, dé-