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au romancier, qui lui-même ne pouvait plus douter de sa déconvenue. Nous décidâmes que le lendemain, sans plus perdre de temps à remuer un sol ingrat, nous irions nous fixer sur les bords du lac, près de Township, et commencer nos travaux sur quelque placer véritable en mettant à profit les instructions que m’avait données le vaquero mexicain.

Nous nous mîmes en route avec notre chariot dès le lever du soleil, et en peu d’instans, nous fûmes sur les bords du lac. Tout y avait changé d’aspect. Les associations partielles qui s’étaient formées parmi la caravane semblaient s’être donné rendez-vous sur ses rives. Déjà des cabanes étaient construites au milieu des bruyères, sur les rochers, à l’ombre des pins et des cèdres. Les diverses communautés occupaient un emplacement et des habitations distincts. Une foule de travailleurs circulant sans cesse au milieu des cabanes animait cette ville improvisée. Les cris de joie des chercheurs d’or, leur activité bruyante, contrastaient avec la morne tranquillité qui régnait sur les âpres sommets de la Sierra-Nevada, et il me semblait, en comparant le calme de ces hautes cimes au mouvement de la vallée, voir la nature même opposer sa grandeur sereine à l’inquiète activité de l’homme.

Je retrouvai là, pour la plupart, les visages connus de nos compagnons de route, mais, parmi eux, je cherchai vainement le Mexicain de l’Arkansas ; depuis l’alerte de la nuit, personne ne l’avait revu au camp. Notre association fut bien vite conclue avec le squatter ; nous étendîmes un peu le cercle de ses retranchemens pour donner place à notre tente et à notre chariot ; Tranquille couchait sous la toile du chariot ; le romancier et moi, nous dormions sous la tente. Cependant notre mise de fonds, comme disait le romancier, n’était encore qu’en espoir, et il fut résolu que, pour la former, nous travaillerions séparément, après nous être initiés, en observant les chercheurs d’or répandus sur les bords du lac, aux divers procédés de l’art du gambusino.

Les mines d’or doivent abonder en Californie comme dans plusieurs états du Mexique ; mais il faudrait, pour les découvrir, une expérience pratique qui nous manquait à tous. Il était urgent dès-lors de s’en tenir au lavage des sables aurifères, souvent fort éloignés des filons à fleur de terre. Les grains d’or, mêlés à ces sables après avoir été arrachés aux filons par l’eau des pluies, sont couverts, comme les galets au milieu desquels ils se trouvent, d’une couche d’argile qui les rend méconnaissables ; ils ne reprennent leur brillant et leur poli qu’au contact d’une eau pure. Les machines qui peuvent laver en moins de temps les cailloux et les sables sont donc les plus parfaites et les plus lucratives. Le génie américain a pu se donner amplement carrière dans la construction de ces machines, et il a obtenu, dans des terrains aurifères souvent assez pauvres, des résultats fort supérieurs à ceux