sang qu’ils supposeront portés pour eux, leurs cerveaux ne s’échaufferont pas, et si…
Mais que voulez-vous qu’ils fassent, monsieur le cardinal ? Ils parleront, voilà tout. Les princes seront là sans suite, sans escorte ; vous savez qu’ils viennent avec leur maison seulement. Le roi ne sera-t-il pas toujours maître d’arrêter les choses quand il lui plaira ?
C’est bien ce que je dis à mon frère ; mais le duc a de telles préventions en matière d’états, que je ne puis le convertir. Il ne m’a pas encore pardonné ce que nous avons fait à Fontainebleau. Je dis nous, parce que, si j’ai péché ce jour-là, la reine sait d’où m’est venue la tentation.
Je m’en souviens, et n’en ai pas le plus léger remords. C’était le bon parti, croyez-moi. On endort bien des douleurs avec des paroles. Quand le peuple souffre, il faut le laisser parler et lui faire croire qu’on l’écoute. Il souffre moins et paie mieux.
Oui, mais il apprend à crier plus fort, et mes oreilles en ont assez comme cela. Je voudrais que la reine entendît à ce sujet notre vieil ami, M. de Tournon.
Est-il donc de retour, le cardinal ?
D’hier, madame, et il vous dira comme on s’ébahit à Rome de cette résurrection des états ; comme on nous trouve avisés d’avoir greffé à neuf ce vieil arbre que nos pères avaient eu si grand soin de laisser sécher. À quoi sert cette manière de mettre face à face le roi avec ses sujets, sinon à enfler l’orgueil des sujets et à rabaisser le trône ? Toutes ces assemblées ont-elles jamais fait autre chose que blâmer ceux qui gouvernent, sans changer un fétu au sort des gouvernés ? Si ce sont là des remèdes, le mal vaut mieux.
Je ne dis pas qu’il fallût en user tous les jours.
Il nous faut, pour guérir nos plaies, d’autres recettes que de laisser parler les gens. Celle-là n’est bonne qu’aux dresseurs de harangues et à quelques beaux esprits, pour le malheur qu’ils ont de trop bien dire. Entre nous, madame, s’il n’allait aux états que des sourds, je sais quelqu’un qui ne vous eût pas si bien prêté l’épaule. On se dit ses vérités en famille…