Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
231
LES ÉTATS D’ORLÉANS.
LA REINE.

Vous avez mal entendu, mon oncle ; ces braves gens d’Orléans peuvent être assez mauvais chrétiens ; mais idolâtres ! ils n’en sont pas encore là… J’ai bien une autre querelle à vous faire ! Que veut dire ce bastion qu’on bâtit devant mes fenêtres ? Pourquoi tous ces canons ? tous ces gens de guerre ? Allons-nous donc soutenir un siège ? et quelle vie voulez-vous que nous menions ici ?

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Rassurez-vous, ce n’est qu’un temps à passer, le temps des états ; les beaux jours reviendront ensuite, et plus sereins que jamais, (il s’aperçoit que la reine-mère vient d’entrer sans être annoncée et dit à demi voix :) C’est la reine.



Scène XVI.

Les mêmes, LA REINE-MÈRE.


LA REINE-MÈRE.

Je vous interromps, monsieur le cardinal… Pardon, ma fille, je comprends que messieurs vos oncles aient bien des choses à vous dire, et je vais… (Elle se dirige vers la porte de son appartement.)

LE DUC DE GUISE.

Nous ne sommes ici que pour rendre nos devoirs à votre majesté.

LA REINE-MÈRE.

Je supposais que vous parliez… que sais-je ? de vos affaires d’Écosse.

LA REINE.

Non, ma mère ; l’unique affaire que j’aurais à cœur serait de rendre, s’il était possible, notre cour d’Orléans moins triste que les lieux où il faut la tenir ; et je faisais la guerre à messieurs mes oncles pour nous avoir conduits dans un pareil tombeau. Le roi me promet de belles chasses : c’est une consolation. Mais que vont faire ici toutes nos jeunes filles ? elles qui brillaient à Fontainebleau comme étoiles dans un ciel d’été, elles commencent à pâlir de tristesse ; et nos joyeux esprits ? ils vont s’éteindre, ils sont à demi morts. Votre Bourdeille, ma mère, et son ami Lansac sont là sur les bahuts, bâillant et poussant des hélas ! à vous arracher l’ame.

LA REINE-MÈRE.

Ma fille, messieurs vos oncles n’agissent pas à la légère. Ils n’auraient pas, je me le persuade, condamné leur chère nièce à une si triste vie sans de graves motifs et si le salut du royaume ne l’eût pas exigé.

LA REINE, bas au cardinal.

Comme elle est radoucie !