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dans la minorité dissidente sur les tentations révolutionnaires ; elle est rentrée en séance, et la loi des clubs s’est achevée sans autre encombre, mais après six jours de débats, et fort amoindrie par les restrictions et les distinctions. Les distinctions y tiennent tant de place, qu’à force de distinguer entre la réunion et le club, on est arrivé à faire peut-être pire que les clubs, tout en commençant par les interdire. Encore le soin de juger les délits, immanquables avec tant de subtilités, a-t-il été donné au jury et non pas aux magistrats, ce qui empêchera l’établissement de toute jurisprudence. M. Faucher a inutilement demandé qu’on mît à l’ordre du jour de lundi la troisième lecture de cette loi malencontreuse. L’ordre public a cependant grand besoin d’être raffermi ; ce n’est pas le spectacle des tristes procès de Bourges et de Poitiers qui peut permettre de croire cet ordre bien énergiquement défendu : la justice, convenons-en, dans cette solennelle affaire du 15 mai, n’a pas toujours semblé pénétrée de la supériorité que son mandat lui donnait sur les accusés. Nous attendons le verdict du haut jury. Le jury parisien vient de prouver, part la condamnation du journal le Peuple et de son principal rédacteur, qu’il y avait des limites dans l’attaque, au-delà desquelles toute mollesse devait cesser dans la répression ; mais, contre cette propagande des mauvaises doctrines, il n’est guère que la propagande énergique des bonnes qui doive se promettre quelque succès. Aussi le comité de la rue de Poitiers va-t-il engager une campagne à laquelle nous croyons au moins autant d’utilité qu’à son manifeste. Soutenu par une souscription qui s’annonce sous de très favorables augures, il ne se bornera plus à l’action électorale ; il entreprend la réfutation systématique et quotidienne des théories pernicieuses qui corrompent les masses.

Au moment où nous terminons cette esquisse de notre situation intérieure telle qu’elle ressort après la secousse que viennent de lui imprimer les événemens d’Italie, voici d’autres complications qui se produisent, plus loin de nous sans doute, plus en dehors de nos intérêts, mais avec une portée que nous n’essaierons pas aujourd’hui d’apprécier. Les nouvelles qui nous arrivent à l’instant de Francfort nous annoncent que le roi de Prusse a été proclamé mercredi dernier empereur des Allemands par la constituante germanique. Sur 538 membres présens, 248 se sont abstenus, 290 ont réuni leurs votes en faveur de Frédéric-Guillaume. La diète a salué son choix d’un triple hourra qui s’est répété par toute la vieille cité impériale. Les cloches ont été mises en branle, les rues pavoisées aux trois couleurs germaniques, et une députation est partie pour aller inviter sa majesté prussienne à répondre aux vœux de Francfort. Il faut reprendre les choses de plus haut, si l’on veut se rendre quelque compte de cette soudaine péripétie. Point n’est besoin d’ailleurs de remonter bien loin : l’histoire se fait si vite qu’on va maintenant en fort peu de jours d’une révolution à une autre.

La charte autrichienne, octroyée le 7 de ce mois et promulguée en même temps que la dissolution de la diète de Kremsier, jeta dans celle de Francfort une agitation extraordinaire. On se rappelle l’échange de notes officielles émanées soit de la Prusse, soit de l’Autriche, durant les deux premiers mois de cette année, au sujet du plus ou moins d’étendue que pourrait avoir la fédération nouvelle proposée par la constituante de Francfort. L’oeuvre de Francfort s’était arrêtée aussitôt qu’elle avait heurté des intérêts sérieux. La patrie allemande absorberait-elle l’Autriche ? L’Autriche montrait ses territoires partagés