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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 mars 1849.

Nous vivons dans des temps où toutes les contradictions pèsent à la fois sur les consciences et les déchirent, où des devoirs également chers se présentent tous ensemble, si bien qu’on ne sait presque auquel obéir de préférence, — où des intérêts opposés se heurtent à chaque pas, si bien qu’il faut toujours en sacrifier quelqu’un. Nous croyons indispensable de préserver contre de nouvelles épreuves ce que la société retrouve, ou garde encore de forces ; nous ne sommes pas d’humeur à nous risquer hors de chez nous au service des passions que nous avons chez nous tant de peine à contenir ; nous nous réjouirions volontiers d’apprendre que ces orages extérieurs, allumés au foyer des nôtres, sont maintenant étouffés et dispersés. Nous ne pouvons cependant pas nous dérober aux atteintes d’un juste chagrin, lorsque nous sentons ce qu’il nous en coûte pour nous renfermer ainsi derrière nos frontières, pendant que les folies démagogiques appellent et nécessitent partout le progrès des influences et des armes de l’étranger. Nous sommes les champions décidés des règles éternelles de l’ordre social, nous avons le besoin de les relever, de les défendre à tout prix ; mais ce grand besoin n’étouffe pas l’ancien retentissement de la fierté nationale, et nous gémissons de voir le nom de la France pâlir au dehors à mesure qu’elle se consume dans ses luttes intérieures.

Ces réflexions nous viennent, on le comprend, au sujet des derniers événemens du Piémont : de quoi parler aujourd’hui, si ce n’est d’abord de cette lamentable infortune ? Et comment pouvait-on, après tout, augurer mieux de l’avenir, quand il n’y avait en présence que des forces si disproportionnées, non par le nombre peut-être, mais par l’énergie morale, qui abondait dans l’armée disciplinée de l’Autriche, qui manquait à la tête et dans le corps de l’armée piémontaise ? Loin de nous la seule pensée de reprocher maintenant leur défaite à ces derniers soldats de l’Italie, à ce roi qui a voulu jouer sa couronne sur un champ de bataille, à ces princes que les balles ont respectés malgré leur mépris pour les balles ; mais est-ce que ces braves troupes n’étaient pas inquiétées par les fausses rumeurs dont les démagogues de Gênes et de Turin les poursuivaient ?