Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et à de jolies pages une foule de concetti dignes de grossir les ana, mais composant de tout cela un ensemble agréable, une lecture attrayante, qui, sans être précisément ni un souvenir de France ni un souvenir d’Italie, est plutôt l’aimable babil d’un homme également spirituel en Italie et en France.

Si nous sommes indulgent pour ces productions légères, sans conséquence, où la cause de l’art ne saurait être compromise ni effleurée, la même indulgence est-elle possible, lorsque, touchant à des questions plus graves, à des points plus délicats, nous ne trouvons que faiblesse et stérilité ! C’est au théâtre que nous aurions voulu voir se ranimer le plus complètement et le plus vite ces signes de vie intellectuelle dont nous parlions tout à l’heure. C’est là que toute force, que tout succès se multiplie et s’accroît par ces communications rapides où l’écrivain, le critique et le public puisent sans cesse un élément nouveau de mouvement, d’animation et d’éclat. Mais à quoi bon insister sur des vérités qui, en face de la situation actuelle du théâtre, ressemblent à des épigrammes ? Au lieu de s’élever au niveau des exigences d’une époque agitée, au lieu de chercher dans les difficultés, les émotions et les périls du moment un sujet d’agrandir sa tâche, de se retremper dans quelque bonne veine cornélienne ou comique, le théâtre s’atténue et s’amoindrit de plus en plus. Encore un peu, et Marivaux semblera un prodige de complication et de vigueur en comparaison de ce qu’on nous donne. Parlerons-nous de la Paix à tout prix, vaudeville versifié, à qui il ne manque que d’être écrit en prose et mêlé de couplets pour avoir sa place au Gymnase ? Le Moineau de Lesbie affichait des prétentions plus hautes. C’était, disait-on, une étude antique, qui devait faire revivre sur notre scène les types gracieux de l’élégie latine, la courtisane et le poète. Hélas ! est-ce bien Catulle, est-ce bien Lesbie que nous avons revus dans ce pastel tout moderne ?

Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques,


a dit André Chénier ; les pensers de l’auteur du Moineau sont fort peu nouveaux, mais ses vers sont encore moins antiques. Sait-il le rôle que jouaient les courtisanes dans la société romaine ? Sait-il que leur influence, leurs joies, leurs amours, n’avaient rien à démêler avec la femme mariée et le foyer domestique, que ces deux élémens ne pouvaient jamais ni se confondre, ni se toucher, ni se nuire, et que ce n’était pas alors comme aujourd’hui, où l’épouse et la maîtresse, respirant le même air, partageant les mêmes émotions et les mêmes idées, peuvent se disputer à armes égales la possession d’un même cœur ? Nous avons tort, vraiment, d’aborder ces graves sujets à propos d’un badinage dont l’auteur n’a voulu que ménager à Mlle Rachel un succès de nouveauté et d’ajustement. On parlait beaucoup autrefois de la pruderie littéraire et dramatique de Mlle Rachel ; on assurait qu’elle hésitait à sortir de Corneille et de Racine, que les muses modernes, même les plus glorieuses, ne lui semblaient pas assez proches parentes de Melpomène, et que rien de ce que pouvaient écrire nos poètes n’était assez pur, assez sérieux, assez tragique pour elle. Mlle Rachel, évidemment, est bien revenue de ces rigueurs. Pourvu qu’on lui offre une occasion d’essayer une nouvelle coiffure et de minauder agréablement pendant quelques scènes, elle n’en demande pas davantage : Sophocle et Euripide, Corneille et Racine, s’arrangent comme ils peuvent. De bonne foi, était-ce bien la peine de