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derniers événemens de Toscane montrent ce dont il est capable, quand il quitte son rôle de songeur et de grand-prêtre pour entrer dans la pratique. Comme si sa seule parole avait une vertu corrosive et dissolvante, il ne peut aller nulle part qu’il n’apporte avec lui la discorde, le désordre et la licence. Incapable de rien faire, il n’a de force que pour diviser et détruire ; rien dans son caractère qui compense l’étroitesse et l’impuissance de son esprit. Aussi lâche qu’inepte, il fut toujours le dernier au péril, le premier à la fuite. Il serait à souhaiter que la mémoire d’un homme aussi vulgaire pérît avec lui ; mais le mal qu’il a fait lui garantit une triste renommée, et son nom arrivera à la postérité chargé d’exécration… Tel maître telle école, » ajoute-t-il. Et M. Gioberti fait des disciples un portrait qui n’est pas plus flatté. Entre eux et lui, c’est désormais une guerre à mort… Mais, que parlons-nous encore de luttes de partis ? Les Croates se sont chargés de la besogne. Que reste-t-il aujourd’hui à faire à M. Gioberti et à ses amis ? Où en est le Piémont ? où en est l’Italie ? Hélas ! que reste-t-il à dire ? quelles conjectures hasarder ?

Avant que nous eussions terminé cette histoire lamentable dans laquelle nous avons cherché à signaler les fausses manœuvres commises et les écueils à éviter désormais, le dénoûment s’est précipité avec la rapidité de la foudre. À la vue de ce grand naufrage, une douleur d’autant plus profonde nous saisit, que nous avions persisté plus long-temps à espérer. Malgré tant de fautes, le mouvement libéral italien, commencé sous de si heureux auspices, méritait une meilleure fin. En écrivant ce mot, ce n’est pas que nous croyons la partie à jamais perdue, à Dieu ne plaise ! Nous nous attristons seulement à l’idée des nouveaux et douloureux sacrifices que l’Italie devra faire pour ressaisir la victoire qu’elle s’est vue si près d’obtenir, et, reportant nos pensées en arrière, vers les jours heureux où l’avenir s’ouvrait souriant et prospère, il nous semble encore une fois entendre le refrain désespéré de son poète

Nessun’ maggior’ dolore, che ricordarsi del tempo felice
Nella miseria.


LOUIS GEOFROY.