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de la chute de la commission exécutive et du ministère qui s’était installé après le 16 novembre. La junte suprême s’empressa d’adhérer au vœu des clubs en proclamant la constituante ; mais ce ne fut pas sans rencontrer une courageuse opposition dans la chambre des députés de Rome. La chambre ne voulait pas de constituante pour l’état romain. La junte en prononça la dissolution. Plusieurs députés protestèrent courageusement, entre autres M. Pantaleoni, représentant de Macerata, qui imprima sur-le-champ un discours qu’il avait été chargé de prononcer comme rapporteur de la commission de la constituante, et dans lequel il concluait nettement au rejet de la proposition[1]. Ce morceau était d’une grande vigueur, et attira sur la tête de M. Pantaleoni plus d’un grave danger. Il faut rendre cette justice à la chambre des députés de Rome, que, lorsqu’elle vit clairement où on la menait, elle fit des efforts de courage malheureusement stériles, car elle n’était pas soutenue du côté de Gaëte. Le parti modéré avait la majorité dans la chambre, et il montra plus de résolution qu’on ne le croit généralement. En Toscane, tout se passe en paroles, mais à Rome il y avait péril de la vie à faire de l’opposition, et l’épithète de codini, donnée à M. Pantaleoni et à ses amis, les désignait journellement aux huées des tribunes et aux poignard des bravi du Corso. Leurs efforts furent vains, et la constituante fut proclamée. C’était la république. À quelques jours de là, un mouvement analogue et inspiré par la même influence eut lieu à Florence, où la constituante unitaire, avec mandat illimité, fut imposée à l’assemblée par le ministre Montanelli. Là devaient forcément s’arrêter les concessions du grand-duc. Léopold n’avait, en effet, plus rien à céder. Accepter une assemblée avec mandat illimité, c’était signer sa propre déchéance : il prit la fuite. La république proclamée à Rome et à Florence, M. Mazzini pouvait désormais sortir de sa retraite et monter au Capitole pour y rendre grace aux dieux.


III. – CRISE MINISTERIELLE À TURIN – CHUTE DE M. GIOBERTI.

Ce double dénoûment devait nécessairement provoquer une crise en Piémont. Le Piémont, lui aussi, avait son ministère démocratique, et, bien que les chances n’y fussent pas, à beaucoup près, aussi favorables à la jeune Italie, celle-ci avait étendu jusqu’à Turin le réseau de ses intrigues. Elle rencontrait, il est vrai, dans ce pays une royauté fortement assise, de solides traditions monarchiques, et surtout une armée très peu disposée à fraterniser avec elle ; mais, d’un autre côté, elle trouvait un point d’appui dans le parti des avocats. Le parti des avocats représente en Piémont ce qu’était chez nous le tiers-état en 1789. Long-temps opprimée et assujettie à la noblesse, qui seule arrivait, par droit de naissance, aux emplois, aux dignités et aux grades militaires, la bourgeoisie piémontaise n’avait pas, jusqu’à présent, dans l’état la situation que lui assignaient ses richesses, son savoir et les progrès chaque jour croissans de la culture dans toutes les classes. Récemment émancipée par la constitution de Charles-Albert, elle se trouve donc depuis un an dans cette phase d’expansion et d’envahissement qui suit une tutelle trop prolongée ; elle est surtout préoccupée de défendre avec une jalouse susceptibilité ses nouvelles prérogatives, de résister aux tentatives rétrospectives

  1. Sulla proposisione della costituente italiana, rapporto deputato D. Pantaleoni.