Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’ailleurs un empêchement véritable y a été apporté par l’excommunication papale, mesure absurde, à quelque point de vue qu’on se place pour la juger.

Il n’est personne qui n’ait été frappé de la marche impolitique qu’a suivie Pie IX depuis le jour où il a perdu M. Rossi. Ce crime, accompli presque sous ses yeux, frappant tout d’un coup d’horreur l’ame de ce saint pontife, semble avoir fait naître dans sa conscience des remords sur l’initiative prise par lui d’une liberté qui devait aboutir à de tels excès. Toujours est-il qu’à partir du 16 novembre, il a cru devoir suivre des conseils qui ne pouvaient être plus funestes. Sa fuite à Gaëte, première faute, ses protestations tardives, cette bulle d’excommunication, véritable non-sens dans la circonstance et à notre époque, enfin la demande récente qu’il vient de faire d’une intervention combinée entre la France, l’Autriche, l’Espagne et Naples, tout nous le montre obéissant à une influence désastreuse pour ses intérêts et pour ceux de la papauté. Le cardinal Antonelli, son ministre actuel, est un homme de talent, mais sans autre principe politique que l’intérêt de son ambition. Quand le vent était aux réformes et que le pape en prenait l’initiative, monsignor Antonelli faisait du libéralisme ; dès qu’il a eu le chapeau, il s’est montré plus réservé. Aujourd’hui le voilà bien près des traditions de l’époque de Grégoire XVI. Serait-ce parce qu’il sent revenir l’ascendant de l’Autriche ?

La seule, la vraie politique du pape dans la situation où l’avait placé l’attentat du 16 novembre, c’était, tout en quittant Rome pour mettre à couvert sa personne et la majesté de sa couronne, de ne point abandonner ses états, afin de marquer un point de ralliement à ceux qui lui restaient fidèles, et de ne pas fournir de prétexte aux esprits irrésolus et aux dévouemens douteux qui, avec M. Mamiani, sont restés à Rome, par devoir, disaient-ils, et pour veiller au salut public. Établi à Civita-Vecchia ou à Ancône, sous la protection d’une escadre française que le gouvernement du général Cavaignac était tout disposé à lui accorder, du moment qu’il ne s’agissait que de pourvoir à sa sûreté personnelle, à Bologne même, où un commencement de réaction s’était manifesté en sa faveur à la voix de trois députés courageux, MM. Minghetti, Bevilacqua, Banzi, Pie IX eût appelé à lui le sacré collége, tous les hauts fonctionnaires et les membres du gouvernement, enfin transporté le siège de l’assemblée hors de Rome. S’il fallait en venir à de nouvelles élections, au lieu d’anathématiser, comme il l’a fait, ceux qui pouvaient lui apporter un vote favorable, il eût dû plutôt leur en faire une obligation et un devoir de conscience, et, puisqu’on l’y forçait, retourner contre ses ennemis l’arme du suffrage universel. Le suffrage universel est le seul élément de conservation qui reste aujourd’hui dans l’ordre politique, et l’on ne peut douter qu’il ne lui eût été favorable.

Loin de là, Pie IX n’a pas soutenu ses partisans, il a laissé s’évanouir les essais de résistance, et le champ est resté libre à la jeune Italie. Ce n’était pas le gouvernement révolutionnaire de MM. Mamiani, Sterbini, Muzzarelli, qui pouvait l’arrêter. Quelle fortune inespérée pour M. Mazzini de voir la papauté battre en retraite ! Aussi mit-il bien vite à profit l’absence de Pie IX de sa capitale, pour pousser vigoureusement à la proclamation de sa constituante unitaire. Tandis que M. Mamiani songeait à sa diète fédérative, les cercles populaires reçurent le mot d’ordre, et se mirent à réclamer la constituante italienne. Ce fut le signal