plus ambiguë ne se prêta à des interprétations plus diverses. Elle avait été habilement choisie et exploitée à Milan par M. Mazzini. La constituante ne s’appliquait, disait-il alors, qu’aux seules provinces lombardes et vénitiennes et à la question de l’annexion. Nous avons vu comment cette proposition intempestive, en divisant les esprits et en préparant en partie la défaite des Piémontais, avait obtenu le résultat souhaité par les républicains, celui de rendre impossible la formation du royaume de la Haute-Italie. De Milan le mot circula à Gênes, à Livourne, à Florence, comme tant d’autres qui avaient successivement servi à agiter la foule inintelligente. Les reduci le rapportèrent à Rome, où ils venaient faire le coup de fusil contre les cardinaux et les monsignori, ce qui était plus sûr et non moins glorieux que contre les Croates. Les Gênois, les Pisans pensèrent que, s’ils n’avaient pas chassé les barbares, la faute en était aux soldats piémontais et surtout à l’absence d’une constituante. Chacun alors de demander une constituante.
Ce qui est vraiment curieux, c’est l’incroyable quiproquo qui s’introduisit à l’aide de ce mot. Nous ne savons s’il en faut faire honneur au hasard ou à M. Mazzini. Si c’est à ce dernier, il témoigne d’un génie très inventif et d’une fourbe peu commune. Il eût été difficile de mieux brouiller les cartes. En effet, on se mit d’abord, pour suivre la mode probablement, à appeler constituante l’ancienne ligue proposée dans le Primato et les Speranze, le projet de confédération d’états poursuivi depuis long-temps par les libéraux, et sur lequel, à un grand nombre d’ouvrages remarquables, M. Vieusseux de Florence vient d’ajouter une brochure fort intéressante intitulée : Franzmenti sull’ Italia nel 1822. Cette constituante était celle de M. Gioberti, le promoteur de la fédération. Pourquoi ne lui avait-il pas conservé son nom primitif, beaucoup plus clair, et qui en exprimait mieux la nature ? Il y avait ensuite la constituante de M. Mamiani, sorte de parlement destiné à donner une constitution à l’état romain, puis celle de M. Montanelli, qui voulait, de son côté, réorganiser la Toscane, non sans quelque arrière-pensée d’unitarisme. Quant à M. Mazzini, il gardait encore dans sa poche sa constituante à lui, le rêve de toute sa vie, la convention italienne au Capitole, dont il avait essayé, ainsi que nous l’avons dit, d’établir une première succursale à Milan. Pour le moment, Léopold et Pie IX étant sur le trône et M. Rossi ministre, il n’y avait pas trop moyen, pour le chef de la jeune Italie, d’approcher du Capitole. Il lui fallait des noms moins compromis que le sien pour lui frayer la voie. « Ne craignons pas, écrivait-il à ses disciples, ne craignons pas d’employer à l’œuvre sainte de profanes initiateurs. Quand l’instrument a fait son service, on le rejette. Leur tache accomplie, remplacez-les par d’autres jusqu’à l’heure venue. » C’est de la haute politique, comme on voit. Dans le désarroi où se trouvait le parti constitutionnel, la jeune Italie sut recruter ses initiateurs. À Rome, elle donna ce rôle à M. Mamiani ; à Florence, à M. Montanelli ; en Piémont enfin, au ministère démocratique que M. Gioberti fit éclore sous son aile.