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exploits qu’ils avaient accomplis pour la cause nationale. Exploits de clubs et de cafés, lâches intrigues contre des gens placés sous la mitraille, tout le bilan de la campagne des mazziniens était tracé d’une plume vigoureuse ; puis, animé d’une patriotique indignation contre les sophistes qui, pour capter la popularité, abusaient grossièrement l’Italie sur ses véritable forces, M. d’Azeglio s’écriait : « Après que l’armée piémontaise, plus ou moins soutenue par les contingens de Rome et de la Toscane, munie d’artillerie et régulièrement organisée, a dû céder le terrain, les organes de la république viennent nous dire : La guerre des rois est finie, la guerre des peuples commence ! Que répondre à des hommes qui osent tenir un semblable langage, à des hommes qui, après tout ce qui vient de se passer, comprennent de la sorte la question italienne et connaissent si peu le malheureux peuple qu’ils prétendent conduire ? Certes, c’est une dure et amère chose pour moi, comme pour tout Italien, que d’avoir à dévoiler aux yeux du monde entier les plaies de ma nation, d’autant plus que je suis persuadé que ce n’est point à elle, mais aux anciens systèmes de gouvernement, que l’Italie en est redevable ; mais comme il est utile, indispensable de connaître la vérité, de se rendre compte du pratique et du possible, j’aurai la force de rechercher des preuves désolantes, et, à ceux qui ont prononcé cette phrase, je demanderai : Croyez-vous vraiment, sincèrement, que notre peuple se lèvera en masse pour vaincre l’armée autrichienne ? »

Dans un post-scriptum ajouté à sa brochure, M. Mazzini n’hésita pas à répondre à cette question : « Oui, je crois vraiment, sincèrement, que notre peuple se lèvera en masse. » Le croit-il encore aujourd’hui ? Les Piémontais ont été écrasés à Novare, et non-seulement pas un homme n’a bougé à Rome et à Florence, mais les Lombards eux-mêmes sont restés immobiles dans leurs villes évacuées par les garnisons autrichiennes ! Qui connaît mieux les Italiens, de Radetzky, de M. d’Azeglio, ou de M. Mazzini ?

M. d’Azeglio ajoutait : « Le peuple italien, que les gouvernemens passés ont systématiquement tenu éloigné de toute idée politique, n’a pas conscience de ses droits, encore moins de ses devoirs. L’instruction politique du peuple, je veux dire de la masse, de 90 pour 100 de la population, se bornait, hier encore, à savoir qu’il y avait d’un côté un pape et des princes, de l’autre une Autriche, sorte de pouvoir mystérieux dont la main, partout cachée, se faisait partout sentir, une sorte de Deus ex machina. En face du pape et de l’Autriche, jacobins, francs-maçons, carbonari, se présentaient aux imaginations effarées entourés de toute l’épouvante qu’inspire aux enfans l’approche de l’ours ou de la sorcière. Le vulgaire voyait les deux partis continuellement en lutte. Pour lui, les francs-maçons n’avaient d’autre but que d’égorger les prêtres et le pape en l’honneur du diable leur chef. Le pape ne songeait qu’à envoyer en enfer les francs-maçons pour la plus grande gloire et le profit de la sainte église, et, sur l’arrière-plan, l’Autriche apparaissait pour décider la question en faveur du pape et mettre le diable en fuite quand la victoire menaçait de se déclarer pour celui-ci. Voilà à quoi se réduisait la politique du vulgaire. D’Italie, de nationalité, d’indépendance, il n’était nullement question.

« Nous avions voulu faire l’éducation de ce peuple avant de le lancer dans les grandes entreprises. La jeune Italie, au contraire, prétend le jeter de plein saut dans la république. Pour moi, ajoutait l’auteur avec une raison parfaite, ce