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deux phases, sa phase défensive, glorieuse et inefficace ; sa phase offensive, qui a été l’œuvre du maréchal Bugeaud et qui a consolidé notre établissement. Il nous semble que dans la guerre que la civilisation soutient dans Paris, et non plus en Afrique, contre la barbarie, il serait temps aussi de passer de la phase défensive à la phase offensive.

L’offensive que nous demandons, ce n’est point un coup d’état, ce sont des lois de sûreté générale. Nous sommes las de voir qu’il faille tous les six mois, que disons-nous ? toutes les six semaines, sauver la société ; nous sommes tristes de penser qu’il faut toutes les six semaines exposer le sang de nos soldats, et, comme le dit si bien la proclamation du président de la république, changer la France en un camp pour résister aux incursions de l’ennemi. Nous remercions l’armée et la garde nationale, nous remercions le général Changarnier de l’habileté et de la fermeté qu’il a montrées dans la journée d’hier ; mais, en vérité, la vie sociale est trop chère, s’il faut toujours la payer de pareil prix, si elle doit toujours coûter de pareils efforts. Nous ne chicanons pas assurément la reconnaissance que nous devons au général Changarnier, mais nous voulons en ménager les occasions.

Et qu’il nous soit permis, à ce sujet, de citer l’éloge que faisait le maréchal Bugeaud du général Changarnier, le 15 juin 1848, dans une lettre toute familière que nous montrait ce matin un de nos amis : « Je vois avec plaisir tous mes lieutenans d’Afrique avoir des commandemens ; j’en espère beaucoup. Le général Changarnier a un grand parti dans la garde nationale de Paris, où on lui tient compte de l’énergie qu’il a montrée le 16 avril, lorsque le gouvernement provisoire était menacé par la république rouge. Ayez confiance en lui. Changarnier est un homme de résolution et de savoir-faire militaire ; il sait surtout très bien se débrouiller dans les circonstances difficiles. » Ce don de se débrouiller dans les circonstances difficiles, don si précieux dans les généraux que les événemens ont jetés à travers les complications de la vie politique, le maréchal Bugeaud aimait, dès le 15 juin 1848, à le signaler à ses amis dans le général Changarnier, parce qu’il le lui avait reconnu en Afrique ; mais aujourd’hui que l’expérience a donné au général Changarnier l’occasion de témoigner aux yeux de toute la France de ce genre de talent militaire qui décide le plus les journées, nous aimons à rappeler le témoignage du maréchal Bugeaud, et nous croyons en même temps acquitter une partie de notre dette envers le général Changarnier, en évoquant d’une tombe si illustre et si honorée l’hommage que nous devons aux services qu’il a rendus hier à la France. En associant ainsi le nom du maréchal Bugeaud à celui du général Changarnier, nous proclamons combien nous avons perdu, et nous disons aussi ce que nous avons conservé. Nous mêlons une consolation à la douleur publique. La victoire que l’ordre social a remportée hier sous le commandement du général Changarnier, ce sont les plus belles et les plus dignes funérailles que l’armée pût faire au maréchal Bugeaud. Elle a exécuté son testament.

Les horreurs de la guerre civile et les douleurs de l’épidémie, voilà donc le triste entretien de ces derniers jours. Hélas ! la contagion décimait et décime encore Paris. Chaque maison, chaque famille est de près ou de loin atteinte par la mort, et cependant il y a eu un jour où toutes les douleurs privées se sont