Quel état ! quelle ville ! et comme elle expie ces joies frivoles, cette prospérité insolente, cette splendeur des arts et cette paix pleine de plaisirs dont elle avait fini par croire qu’elle s’ennuyait ! La contagion et la guerre civile ! car ce n’était pas assez du fléau que nous envoie la Providence ; il a fallu y joindre le fléau des passions démagogiques ! Chancelant et déjà frappé par la maladie, tout ce peuple est poussé à la guerre civile par des ambitions de club et d’estaminet ; on l’arrache à ses deuils et à ses souffrances pour le jeter dans le crime. Qu’importe à ces hommes long-temps obscurs qui ont ravi le pouvoir par un coup de main, et qui se sentent retomber dans leur néant, que leur importe que le sang coule, ou que la misère vienne hâter les coups de l’épidémie ? Ne faut-il pas qu’ils fassent leur métier d’orgueil et de cupidité ? Ne faut-il pas qu’ils se rachètent du mépris par la terreur ? Que sont-ils, s’ils ne sont pas craints ? que sont-ils, s’ils ne sont pas nos maîtres ? Qui les voudrait pour avocats, s’il y a parmi eux des avocats ? pour médecins, s’il y a des médecins ? pour commandans, s’il y a des officiers ? pour chefs d’atelier, s’il y a des industriels ? pour écrivains, s’il y a des lettrés ? pour ouvriers, s’il y a des ouvriers ? Vous voyez bien qu’ils ne sont bons qu’à être nos maîtres.
Comment s’est faite l’insurrection qu’a si énergiquement et si habilement réprimée le gouvernement ? Il y a là une histoire qui ressemble à bien d’autres M. Ledru-Rollin aura beau être coupable, nous ne prendrons point le change sur lui : il a plus de vanité que d’ambition ; mais la vanité donne l’air d’avoir de l’ambition et de l’audace, surtout dans un gouvernement où les actions commencent par des paroles. Il a donc prononcé à la tribune des paroles audacieuses ; il a appelé aux armes, il a joué avec la poudre. Il est vrai que le lendemain il cherchait à expliquer ses paroles et à leur donner un sens pacifique ; mais les