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campait, en attendant le départ, à vingt milles au-delà d’Austin. Enfin, le 18 juin 1841, la caravane se met en mouvement. L’un des commissaires texiens, don José Antonio Navarro, placé, comme M. Kendall, dans l’impossibilité de supporter les fatigues de la marche, monte avec lui dans un char-à-bancs que le président Lamar met à leur disposition, et tous deux suivent la longue file de chariots qui commence à rouler lentement à travers les prairies. Une avant-garde de deux compagnies de dragons précède les chariots ; après eux s’avance en mugissant, sous la surveillance de ses gardiens, un troupeau de bœufs destinés à la nourriture des voyageurs ; trois compagnies d’artillerie et de cavalerie ferment la marche et traînent après elles une pièce de canon. Jamais peut-être, depuis la découverte de l’Amérique, pareille entreprise n’avait été essayée. Quand on entreprit le premier voyage de caravane, aujourd’hui si facile, entre Saint-Louis et Santa-Fé, chaque endroit, chaque accident de terrain, chaque détour avait été depuis longues années étudié et parcouru ; dans la nouvelle expédition texienne, c’était l’audace qui s’en remettait au hasard.

À quelques milles du premier campement, la caravane dit adieu aux derniers établissemens pour suivre vers le nord-ouest une route qui devait se prolonger au-delà de toute prévision. Nous ne suivrons pas sa marche lente à travers les mille obstacles des prairies sans fin. Les chasses aux bisons qui les parcourent en troupeaux serrés avec le bruit de l’ouragan, les ravins à franchir, les rivières à passer sur des ponts de troncs d’arbres abattus et réunis à la hâte, sont l’occupation sans cesse renaissante des jours qui suivent le départ. Les légendes du désert, les plaisanteries grivoises des vétérans des prairies, les travaux des forgerons et des ouvriers de toute sorte qui réparent les chariots endommagés, sont les récréations des haltes. De longues journées de fatigue, de courtes nuits de sommeil, se succèdent. La faim, la soif et les dangers ne sont encore que des prévisions ; les vivres abondent ; les chairs des bisons tombés sous la balle des chasseurs sont, à l’exception des morceaux les plus délicats, abandonnées aux vautours des prairies, et nulle trace d’Indiens n’a encore été signalée ; en un mot, aucune catastrophe n’est venue assombrir les esprits, aucune privation n’a abattu les forces des voyageurs. Les hôtes les plus dangereux de ces déserts n’ont été jusqu’alors que les serpens à sonnettes, qui, par certains vents glacés du nord, pendant la nuit, viennent de temps à autre chercher, inoffensifs, un abri sous la tente ou sous le manteau des dormeurs.

Cependant, parmi les scènes qui marquent les premiers pas de la caravane dans le désert, il en est une qu’il convient de signaler. Souvent, sans motif apparent, les bêtes de somme ou de selle sont prises, au milieu de ces solitudes, d’une terreur panique qui amène les plus tristes désordres. Parfois, au moment où le calme le plus profond