Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/1079

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

galvaniser ses muscles, le Texien apparaît sous son véritable jour son œil brille d’un éclat inusité, et aucun objet ne sera trop petit, trop éloigné pour sa vue perçante ; aucune trace ne lui échappera ; l’animal qui l’a laissée, la direction qu’il a suivie, la date enfin où l’empreinte a été tracée, ce seront autant d’énigmes que déchiffrera, comme en se jouant, sa merveilleuse sagacité. Dans la stratégie des bois, des frontières ou des prairies, Hancock est passé maître comme dans la tactique du chasseur. Il peut circonvenir et prendre un Indien dans ses propres piéges. Il peut se coller plus étroitement au sol, ramper plus loin, se rendre plus invisible que personne au gibier qu’il poursuit, à l’ennemi dont il veut surprendre le camp ; en un mot, c’est un guide inappréciable pour l’approvisionnement d’une caravane, un batteur d’estrade sans égal. Hancock ne peut plus compter ses rencontres soit avec les Mexicains, soit avec les Indiens, et chaque fois il s’est signalé par quelque exploit qui a défrayé pendant long-temps les conversations de ses camarades : il a été prisonnier chez les Comanches, mais il leur a échappé aussitôt. Jamais pourtant Hancock ne fait la moindre allusion à ces innombrables prouesses : il est aussi modeste que vaillant. Tel est le portrait que M. Kendall trace de Tom Hancock, un de ces hardis aventuriers nourris dans la solitude des bois et des prairies, dont les jours s’écoulent au milieu de dangers sans cesse renaissans, et qui s’endorment chaque soir bercés par les hurlemens des loups et les plaintes de l’oiseau de nuit. M. Falconner, on le voit, avait eu la main heureuse.

Trois autres personnages méritent encore de fixer notre attention parmi les nombreux compagnons de M. Kendall. Le premier est un Mexicain du nom ; de Carlos, natif de Taos, dans le Nouveau-Mexique, ancien trappeur dans les déserts que l’expédition va traverser, puis courrier pendant plusieurs années entre Austin et San-Antonio. Le second est un capitaine des dragons texiens de l’escorte, W. P. Lewis. Le troisième enfin est M. Howland de New-Bedfort, état de Massachussets. C’est une de ces nobles natures, un de ces hommes d’élite qui ne font en général que de courts pèlerinages ici-bas, comme si la vieillesse était une peine expiatoire que la Providence inflige à l’homme. Brave et fidèle autant que personne, il unit à ces grandes qualités une douceur de mœurs qui le fait chérir de tout le monde. Le Mexicain Carlos par son ignorance présomptueuse, l’officier de dragons Lewis par sa pusillanimité, deviendront plus tard les mauvais génies de l’expédition texienne. Le caractère du pauvre Howland ne se démentira pas, et cet homme intrépide, à l’heure du danger, saura pousser l’abnégation jusqu’à l’héroïsme.

Un mois s’était écoulé depuis que tous les voyageurs et leur escorte d’artillerie et de dragons s’étaient réunis à Austin. Le corps principal