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du dehors, d’environ 800 millions. Les comptoirs qui ont pris la part la plus forte à ce mouvement sont ceux de Marseille, Nantes, Bordeaux, Mulhouse, Lille, Le Hâvre et Rouen. Une même condition avait été partout imposée à l’escompte pour être admises, les valeurs devaient être revêtues de deux signatures au moins. On s’aperçut bien vite qu’à Paris cette condition rendait les comptoirs inabordables aux petits commerçans et aux petits industriels, qui avaient pour tout moyen de crédit un actif immobilisé entre leurs mains. Quatorze sous comptoirs, institués avec les ressources propres des industries qu’ils concernaient[1], eurent pour mission d’étendre les facilités du crédit. Étrangers eux-mêmes aux opérations de l’escompte, simples intermédiaires, les sous-comptoirs recevaient des sûretés diverses par voie de nantissement sur marchandises, titres et autres valeurs, et se portaient ensuite garans auprès des comptoirs nationaux.

Les magasins généraux complètent l’ensemble des mesures extraordinaires destinées à remplacer le crédit éteint et la circulation paralysée. Placés sous la surveillance de l’autorité, ces établissemens recevaient en dépôt les matières premières et les objets fabriqués dont la crise empêchait la vente. Des récépissés extraits de registres à souche, transférant la propriété des dépôts et transmissibles par endossement, étaient remis aux déposans et formaient entre leurs mains une véritable monnaie de papier ayant sa représentation en nature[2]. Les quatre magasins généraux de Paris et ceux établis dans cinquante et une villes des départemens avaient reçu, au commencement de décembre dernier, des marchandises expertisées à une valeur d’environ 70 millions. Mulhouse, Le Hâvre, Nantes, Strasbourg, méritent d’être cités au nombre des places dans lesquelles les magasins ont rendu le plus de services.

Sans l’aide donnée par l’état sous la forme d’un crédit artificiel, l’industrie et le commerce seraient tombés dans une faillite à peu près générale ; pas une affaire n’eût été possible. Comptoirs, sous-comptoirs, magasins publics, voilà les pivots autour desquels ont roulé toutes les opérations commerciales. À l’influence de ces établissemens s’est joint le puissant concours de la Banque de France. Si les conditions rigoureuses de son escompte en interdisaient l’accès à l’immense majorité des industriels, la Banque était du moins la source où se ravivaient incessamment les forces des comptoirs nationaux. Cette grande institution a ouvert en outre d’importans crédits à des industries spéciales : les usines métallurgiques des départemens, le commerce des métaux et la fabrication des cuirs à Paris ont largement participé à ces avances[3].

Tous ces moyens de soulagement agissaient sur les intérêts industriels et sur le commerce à l’intérieur de la France. On y joignit des primes pour stimuler l’exportation de certains produits entassés dans les fabriques. Par un arrêté du

  1. Il faut excepter de cette règle le sous-comptoir des entrepreneurs du bâtiment, qui avait reçu dans l’origine, une destination spéciale, et qui a obtenu de l’état pour trois années un prêt gratuit de 500,000 fr., indépendamment d’une garantie de 4,500,000 fr.
  2. La Banque de France a été autorisée à accepter les récépissés en remplacement de la troisième signature, et les comptoirs nationaux ont pu les admettre en remplacement de la seconde.
  3. La Banque de France n’a pas perdu de vue ses propres intérêts. La fusion, des banques locales, convoitée depuis si long-temps, a été le prix principal de son concours après la révolution de février.