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un seul chef, soit à des sociétés commerciales ; on s’exposait aussi à des mécomptes par suite des vices inhérens à une exploitation en commun. Ces considérations ne manquaient pas de gravité : elles se rattachaient toutefois un peu trop visiblement à la politique qui répugne à toute innovation. N’étaient-elles pas dominées, d’ailleurs, par une nécessité provenant de la disposition même des esprits ? Reculer alors devant un essai eût été d’une souveraine imprudence. Accomplie avec intelligence et loyauté, l’expérience doit porter, au contraire, avec elle les plus utiles enseignemens. Au commencement du mois de mars dernier, il avait été statué sur près de trois cent cinquante demandes par le conseil chargé de la répartition du crédit des 3 millions. Plus de quarante associations avaient obtenu des avances, dont le chiffre variait de 5,000 à 250,000 francs, et dont le total montait à un peu plus de 2 millions.

Le gouvernement provisoire avait eu recours au système des commandes pour venir en aide à l’industrie lyonnaise. Justement ému de l’état de la ville de Lyon, il avait commandé à la fabrication des soieries quarante-trois mille drapeaux et cent trente mille écharpes. Cette opération, qui a motivé depuis un crédit de 6,700,000 francs, aurait pu être combinée de manière à porter sur des articles d’une utilité moins contestable. Si les quarante-trois mille drapeaux peuvent être distribués aux gardes nationales et aux communes, que faire des cent trente mille écharpes ? À quel usage peut-on employer des milliers de mètres d’étoffe tissée aux trois couleurs ? Coûteuse et stérile au point de vue économique, la commande a du moins atteint son but principal : elle a procuré un soulagement réel à la population ouvrière de la seconde ville de France, et évité peut-être de grands malheurs.

De tous les moyens mis en œuvre pour ranimer le travail, les établissemens de crédit ont pris la plus forte part aux encouragemens de l’état. C’est par l’intermédiaire des comptoirs d’escompte que le trésor a principalement prêté son appui aux intérêts industriels et commerciaux. Dès les premiers jours de la révolution de février, il avait été décidé qu’il serait établi dans toutes les places où les affaires avaient de l’importance un comptoir national d’escompte alimenté par le concours de l’état, des villes et d’associés souscripteurs, et destiné à mettre le crédit à la portée des différentes branches de la production. En présence du trouble considérable survenu dans le crédit privé, il était naturel et politique de chercher des moyens de soulagement dans l’union de forces diverses isolément insuffisantes. Un comptoir d’escompte fut immédiatement formé à Paris au capital de 20 millions. L’état et la ville, qui avaient souscrit chacun pour un tiers de ce capital, renonçaient à participer aux bénéfices de l’établissement, et garantissaient jusqu’à concurrence de leur mise les pertes qui pourraient résulter des opérations. Le comptoir de Paris a reçu, en outre, un prêt de 3 millions. Il avait escompté, jusqu’au 15 février dernier, cent mille billets montant à près de 79 millions, et reçu à l’encaissement sur place et du dehors des effets de commerce pour une somme trois fois plus forte. Pour satisfaire à des besoins analogues, soixante-sept comptoirs ont été établis dans les départemens. Le capital total de ces comptoirs s’élève à 109,249,500 fr. ; le tiers souscrit par l’état est conséquemment de 36,416,500 fr., sans parler d’une subvention additionnelle d’environ 7 millions. Le chiffre des escomptes directs était de 385 millions de francs au 15 février 1849, et les encaissemens reçus sur place et