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toiles si profondément bouleversée déjà par la révolution accomplie dans son sein. Une baisse énorme et instantanée qui s’est manifestée aussitôt après notre dernière révolution a paralysé au moins la moitié des métiers. Quelques industries tries particulières à certaines localités animent et diversifient un peu le tableau monotone de l’industrie des départemens occidentaux. Ainsi la papeterie d’Angoulême, célèbre depuis quatre siècles, livre au commerce pour 6 millions de papier par an ; les filatures de lin et de chanvre d’Angers mettent en œuvre les superbes produits des vallées de la Loire ; la ganterie de Niort garde son ancienne réputation en face de la concurrence des gants en laine et en cachemire. Faillite, liquidation, ou tout au moins pertes considérables et inertie partielle tel a été le sort des maisons consacrées à ces industries secondaires.

Le centre proprement dit de la France, en laissant de côté pour un moment le brillant rayon de la capitale, renferme des fabrications un peu plus nombreuses. L’industrie textile y est représentée par les étoffes de soie, la passementerie, les tapis et les draps de Tours, la tapisserie d’Aubusson et de Felletin, les draps communs, mais solides, de Châteauroux, les toiles et les tissus de laine de Romorantin, les flanelles et les droguets de Limoges. L’industrie métallurgique y figure par les grands établissemens de la Nièvre, la coutellerie de Clermont-Ferrand et de Thiers. Les porcelaines de Limoges, la poterie de Tours, les porcelaines et faïences de l’Allier et de Seine-et-Marne, occupent une place plus ou moins importante dans le tableau de nos arts céramiques. Durant la crise, les soieries de Tours, qui sont surtout destinées aux ameublemens de luxe, conservent à peine quelques métiers en activité. Les fabriques séculaires des tapis d’Aubusson sont contraintes, par l’anéantissement du crédit et des ventes, de renvoyer les trois mille ouvriers qu’elles renfermaient. Grace à la nature spéciale de ses produits, à la destination qu’ils reçoivent, Châteauroux résiste un peu mieux au bouleversement industriel. La ville de Romorantin fabriquait sept mille cinq cents mètres de drap par semaine, elle en fabrique à peine trois mille. Les vastes usines de la Nièvre, Imphy, Fourchambault, etc., qui roulent sur des capitaux considérables, et dont les frais généraux ne diminuent presque pas quand le travail s’amoindrit, éprouvent des pertes proportionnées à une baisse d’environ moitié dans la masse de leurs transactions. La coutellerie de Thiers et de Clermont-Ferrand ne fournit pas du travail à quatre mille ouvriers au lieu de vingt mille. Les vingt-quatre manufactures de porcelaine existant à Limoges, et comptant en bloc trente-sept fours et trois cents meules, avaient, à l’exception de quatre fabriques seulement, malgré l’aide empressée du conseil municipal, fermé leurs fours au mois de mai 1848. Sans ressentir une aussi forte perturbation, les autres établissemens céramiques de la région centrale ont resserré leur production au moins d’un tiers.

Quant au cercle de Paris, on sait que la fabrication manufacturière y a pris, depuis 1815 et surtout depuis 1830, un prodigieux essor. Capitale des arts et des lettres, Paris est devenu une grande métropole industrielle. Sa banlieue et ses faubourgs forment autour d’elle comme une ceinture d’usines, de manufactures et d’ateliers de tout genre. Ses plus riches quartiers, comme ses environs les plus délicieux, n’ont pas toujours résisté avec succès à ces envahissemens de la plus grande puissance de l’époque. En 1847, les fabriques possédant un moteur mécanique ou ayant plus de vingt ouvriers réunis en atelier atteignaient,