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nouvelles. » En nous représentant sous cette figure la nécessité providentielle et les lois naturelles de l’univers, cette fatalité qui est dans l’homme autant que hors de lui, M. Bulwer a ingénieusement symbolisé les plus hautes conceptions de la raison moderne. Mais que signifient l’apparition de Caradoc, et celle de la conscience du jeune roi, et cette épouse promise qu’il doit rencontrer sur le seuil du néant ? Dans son ensemble, l’épisode du tombeau voudrait-il dire que c’est le mépris de la mort qui fait le héros, l’homme fort doué du privilège d’immortalité ; qu’en tenant toujours les yeux fixés sur sa conscience, on apprend à nier le néant, à regarder la mort comme un vain mot, et qu’armé de cette conviction on conquiert la puissance (représentée par Geneviève) d’engendrer des actes dont l’influence s’exercera jusqu’à la fin des temps sur le monde ? Ce n’est là qu’une hypothèse que je hasarde, et j’en pourrais imaginer plus d’une autre tout aussi probable ; cela seul ne condamne-t-il pas le symbolisme du poète ? Bien plus, cela n’accuse-t-il pas quelque peu de puérilité cet art allégorique qui se donne pour but de déguiser des pensées ? M. Bulwer a voulu reproduire le spiritualisme des légendes et de la mythologie du Nord. Je crains bien qu’il n’ait reproduit que l’idéalisme de ces longs poèmes allégoriques qu’on pourrait appeler le bel esprit du moyen-âge. Avec leur tempérament observateur, les races septentrionales ont toujours été sous le coup des forces mystérieuses du grand tout, et naturellement leurs sensations ont cherché à se revêtir de formes sensibles ; mais, de même qu’il y a des allégories qui sont la traduction la plus sincère d’une impression, il y en a d’autres qui sont seulement des paraphrases sous lesquelles des idées jouent pour ainsi dire au jeu de l’imagination.

Il suffit, je crois, d’avoir dégagé de ses voiles le sens caché du Roi Arthur pour montrer que c’est précisément la conception métaphysique qui a été le point de départ de l’écrivain. L’idée a suggéré les incidens, et les détails n’ont été que des conséquences logiquement déduites de la pensée première. Voilà donc où en arrive M. Bulwer. La poésie n’est pour lui qu’un moyen d’énoncer des jugemens, de dire ce que la prose dit sans détours, mais de le dire autrement, d’orner, en un mot, des conceptions. Ses derniers romans nous l’avaient montré cédant de plus en plus au besoin de généraliser, de personnifier ses théories sur l’humanité pour les faire vivre de leur vie abstraite au milieu des figures plus réelles et plus caractérisées où se résumaient les traits aperçus par lui dans telles ou telles individualités. Maintenant il ne se contente plus de quelques types symboliques, il écrit tout un long poème pour ne mettre en scène que des abstractions. C’est là seulement, si l’on veut, une exagération accidentelle de ses tendances ; mais l’exagération même ne sert qu’à nous mieux donner la clé de tout son talent, de tout son passé littéraire. Que M. Bulwer aime Pope