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moins grossière. Pour être bien comprise, il faudrait que l’histoire de ces périodes préparatoires fût traitée à ce point de vue ; ce n’est pas la chimie seule qui a été précédée par l’alchimie, toutes les sciences compliquées ont eu leur période alchimique. Au reste, M. Barthélemy Saint-Hilaire décline, au nom de la logique métaphysique, toute suzeraineté sur les sciences ; mais, au nom de la logique positive, nous devons réclamer cette suzeraineté, car aujourd’hui, au point où en sont les choses, une philosophie qui se déclare incapable d’englober les sciences devient, par cela seul, incapable et indigne de demeurer une philosophie.

Le savoir humain tout entier est compris dans les six sciences énumérées. Comment pourrait-il se faire que toute la logique n’y fût pas aussi comprise ? Et, en effet, il en est ainsi ; mais, pour arriver à cette nouvelle vue, il n’a fallu rien moins qu’une transformation philosophique qui ôtât le pouvoir à la métaphysique et qui aux sciences substituât la science.

Il se produit ici, et cela doit être, pour la logique en particulier ce qui se produit pour la philosophie en général. Long-temps la métaphysique a tenu la place, mais, au fond, elle ne valait que par la généralité ; du reste, elle était essentiellement transitoire. Au contraire, la science, à qui l’avenir était réservé, ne valait que par la spécialité ; mais cette spécialité même en masquait complètement le caractère philosophique, et nul ne pouvait s’apercevoir que chaque science particulière était une partie intégrante de la philosophie future. Enfin la force des choses a prévalu ; les phénomènes sociaux ont été assujettis, et les sciences, étant, grace à ce complément, susceptibles d’être systématisées, sont, par là, devenues la philosophie. Qu’est-ce, en effet, que la philosophie, sinon une conception générale de l’ensemble des choses ? La théologie et la métaphysique ont eu la leur, la science a désormais la sienne. De même la logique : la logique métaphysique, pendant toute la préparation de l’humanité, a rempli le théâtre ; de son côté, la logique positive a cheminé, mais isolée en chacun de ses compartimens et n’apercevant en aucune façon les rapports qui liaient les parties ; c’est arrivée au bout qu’elle s’est reconnue, et, prenant alors la généralité, elle n’a plus rien laissé à sa rivale.

Il me paraît qu’indépendamment des accessoires une logique positive peut être composée des chapitres suivans, ainsi disposés : l’aptitude logique innée à l’esprit humain, la déduction, l’induction, le syllogisme, l’observation, l’expérimentation, la nomenclature, la classification, la comparaison, la filiation. C’est à beaucoup d’égards cette idée qui a guidé M. Mill dans son ouvrage ; c’est aussi, par un effet naturel de la position respective des deux esprits, l’idée à laquelle M. Barthélemy Saint-Hilaire serait le plus opposé, et quand il dit