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dans la chimie et la physique, n’a qu’un rôle secondaire dans la biologie et dans l’histoire : je dis dans l’histoire, bien qu’on ne puisse pas y expérimenter à son gré ; mais les perturbations dans l’évolution sociale sont, de même que la maladie pour la biologie, une sorte d’expérimentation spontanée. À son tour, la comparaison, si décisive dans la biologie, s’applique imparfaitement à l’histoire.

Ces méthodes sont comme les mains de la logique et les instrumens à l’aide desquels elle saisit les objets, sans quoi il ne lui serait pas donné de pénétrer profondément dans la nature. L’aptitude logique qui est innée à l’esprit humain se manifeste d’abord par deux opérations essentielles, la déduction et l’induction. Ces deux méthodes sont, à l’origine, suffisamment alimentées par les données simples et communes que tout suggère. Plus tard, pour déduire, il faut des principes ; pour induire, il faut des faits. Alors elles sont frappées d’impuissance et tournent sur elles-mêmes sans rien produire, si des méthodes subsidiaires qui sont telles que je les ai décrites ne viennent pas concourir à l’élaboration générale.

Il y a, dans le fait, deux logiques séparées, non par le fond, qui est identique, mais par le temps. Au commencement, déduire et induire appartient à tous. Ce domaine est commun à ce qu’il y a de philosophie et à ce qu’il y a de science. La métaphysique s’en empare, et, n’ayant à manier que des idées réfractaires à toute démonstration, elle s’y cantonne sans faire un pas de plus ; mais il n’en est pas de même de la science. D’abord les mathématiques donnent à la déduction une extension tout-à-fait inespérée ; puis, peu à peu, les autres sciences font, à l’aide des méthodes qui leur sont propres, de larges et profondes trouées dans les terres inconnues. Ces méthodes ne sont donc véritablement que des agrandissemens, que des rameaux détachés de la logique primordiale, demeurée stationnaire entre les mains de la métaphysique.

Ces méthodes, on l’a vu, sont échelonnées, et, à fur et mesure du temps et du progrès, elles naissent respectivement avec les sciences, qui ne peuvent se développer sans elles. En regard de cet échelonnement et comme contre-épreuve décisive, on n’a qu’à chercher ce qu’a été l’action de la métaphysique. Il est telle de ces sciences, la biologie par exemple, qui est restée à l’état rudimentaire pendant une longue suite de siècles pleinement historiques. Depuis Hippocrate jusqu’à Bichat, on a tout le temps de suivre cette histoire toute préparatoire, où la biologie ne s’appartient ni ne se connaît. Dans ce long intervalle, les doctrines auxquelles on essaie successivement de la soumettre sont de pures chimères qui n’auraient aucune raison d’être, si elles n’étaient constamment empruntées aux notions concomitantes, soit de la métaphysique, soit d’une physique ou d’une chimie plus ou