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C’en est fait ! d’une nuit l’haleine empoisonnée
A séché, dans sa fleur, tout l’espoir de l’année.

Mais, de toutes les pièces des Études, le Clair de lune de mai me semble la plus heureusement touchée, la plus revêtue de mollesse et de rêverie :

Au bout de sa longue carrière,
Déjà le soleil moins ardent
Plonge, et dérobe sa lumière
Dans la pourpre de l’occident.

La terre n’est plus embrasée
Du souffle brûlant des chaleurs,
Et le Soir aux pieds de rosée
S’avance, en ranimant les fleurs.

Sous l’ombre par degrés naissante,
Le coteau devient plus obscur,
Et la lumière décroissante
Rembrunit le céleste azur.

Parais, ô Lune désirée !
Monte doucement dans les cieux
Guide la paisible soirée
Sur ton trône silencieux.

Amène la brise légère
Qui, dans l’air, précède tes pas,
Douce haleine, à nos champs si chère !
Qu’aux cités on ne connaît pas.

A travers la cime agitée
Du saule incliné sur les eaux,
Verse ta lueur argentée,
Flottante en mobiles réseaux.

Que ton image réfléchie
Tombe sur le ruisseau brillant,
Et que la vague au loin blanchie
Roule ton disque vacillant !

Descends, comme une faible aurore,
Sur des objets trop éclatans ;
En l’adoucissant, pare encore
La jeune pompe du printemps.

Aux fleurs nouvellement écloses
Prête un demi-jour enchanté,
Et blanchis ces vermeilles roses
De ta pâle et molle clarté !