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nécessaire et bien fait, l’an dernier, de briser l’épée des vieux généraux de l’empire. Entre les victoires et les crimes de la république de 93, il a juste autant de rapport qu’entre les folies de la république de 1848 et l’esprit admirable de résistance qu’elle a réveillé dans le pays. Les crimes sont le fait des opérateurs maladroits qui mutilaient ce grand corps ; les victoires sortirent de son énergie doublée par les convulsions de la douleur. Qui pourrait dire même si ce ne sont pas ces temps exécrables qui ont jeté comme un sort de malheur sur les libertés de la France ? Si la liberté ne peut pas fructifier parmi nous, si la gloire même n’a été qu’une fleur passagère, qui sait si ce n’est jas parce que le sol a été détrempé par trop de larmes ? Pour ma part, je me suis souvent étonné, même dans nos jours de prospérité et d’oubli, du singulier tressaillement qui agitait la France au seul nom de 93. Il me semblait voir le fantôme sanglant de Macbeth venant troubler la joie de ses festins et le repos de son sommeil.

L’histoire, nous le pensons, ne donnera plus désormais dans ces odieuses confusions. Elle cessera d’avoir pour le mal les mêmes complaisances que la fortune. Parce que du fond de l’abîme une nation fait, en se débattant, des efforts héroïques pour en sortir, l’honneur n’en sera pas toujours rapporté à ceux-là même qui l’y ont précipitée. Les classes éclairées, intelligentes, ne se divertiront pas toujours, il faut l’espérer, à atténuer, par des distinctions subtiles, par des considérations prétendues profondes, l’impression d’horreur qu’une main sanglante a laissée en traits ineffaçables dans l’esprit du vulgaire. Le suffrage universel nous servira peut-être à ramener à des idées plus simples notre jugement blasé et curieux de singularités. Dans le peuple, dont il est bien permis de parler, puisque c’est lui qui nous gouverne, de simples traditions de famille, recueillies de bouche en bouche au coin du foyer domestique, conservent sur les grands faits historiques des impressions souvent plus vraies que les récits étudiés. Eh bien ! tandis que, dans les faubourgs de Paris, des petits-fils de Henriot et de Santerre, bercés peut-être aux sons de la carmagnole, s’évertuaient l’an dernier à nous rendre des journées de septembre, qu’en pensaient, dans les campagnes, les fils des soldats de Fleurus et de Valmy ? Quel sentiment leur faisait éprouver la résurrection proposée de la guillotinée et des assignats ? Demandez-le au scrutin du 10 décembre. Des trois candidats qui se mesuraient sur le terrain, l’un représentait notre gloire militaire ; un autre, égaré par le sentiment filial, avait eu le malheur de rendre hommage à la terreur ; un troisième, l’idée plus malheureuse encore d’essayer de lui rendre la vie. Les deux faces de notre histoire révolutionnaire se trouvaient ainsi en présence. Dieu merci, elles ne se sont ni reconnues ni embrassées !

C’est ainsi que le spectacle présent peut raviver les tableaux du