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à autre un retour puissant, national, irrésistible, dont aucun homme et aucune journée ne peuvent, en particulier, revendiquer l’honneur ? Quel autre système, parvenu au pouvoir, a appliqué à ses ennemis même le bienfait des principes qu’il avait inaugurés ? Parmi tant d’époques différentes que compte déjà notre histoire révolutionnaire, quelles sont celles qui, une fois disparues, ont été ensevelies pour toujours, et dont on n’a pu essayer que de ridicules parodies et d’odieuses contrefaçons ? Quelles autres, au contraire, ont laissé après elles des institutions qui leur survivent, les leçons que chacun veut apprendre des modèles dont, quoi qu’on fasse ou qu’on dise, tous les gouvernemens cherchent silencieusement à se rapprocher ?

En considérant les choses à ce point de vue, il n’est pas impossible d’arriver à former en quelque sorte un corps de doctrines politiques auquel la France n’est pas restée fidèle, il s’en faut bien, mais dont, à travers les oscillations d’une balance mal équilibrée elle a toujours tendu à se rapprocher. Une salutaire division entre les pouvoirs, l’unité et la permanence du pouvoir exécutif, les garanties de la liberté individuelle et de la liberté de conscience, l’égalité civile, la distribution naturelle de la propriété entre les citoyens et le respect de cette propriété protégée par les lois contre l’arbitraire des gouvernemens, tous ces vœux qui figuraient dans les premiers cahiers de charges remis par les bailliages à leurs députés en 1789, ont reparu à toutes les époques où, entre le silence de l’oppression et les vociférations de la multitude, la véritable voix du sentiment public a pu faire entendre ses timides accens. Deux pouvoirs absolus, très différens l’un de l’autre assurément, et semblables par un point seul, le hideux despotisme d’une assemblée, la glorieuse autorité d’un grand homme, ont pu à deux reprises tout absorber en eux-mêmes et offrir en échange au pays, pour toute garantie, l’un l’énergie de ses convictions révolutionnaires, l’autre la sagesse de son génie. La France, terrifiée ou séduite, abattue ou enthousiaste, a pu se laisser faire en silence : dès le lendemain de 1793 ou de 1814, délivrée de Robespierre ou privée de Napoléon, elle redemandait à un mécanisme constitutionnel plus ou moins habile l’accomplissement de ses vœux les plus chers. Une réaction triomphante a pu, dans la chambre exaltée de 1815, rêver un instant la reconstruction de l’ancien régime ; des comédiens de bas étage ont pu, hier encore, se traîner dans la fange et se grimer le visage pour reproduire plus exactement les héros de la convention. Ces reproductions malheureuses ont à peine ému la France ; mais toutes les fois que la liberté véritable, la liberté légale et modérée, dont la monarchie constitutionnelle était la plus haute, mais non pas la seule expression possible, a reparu après une éclipse temporaire, la France l’a toujours saluée comme une amie ancienne et regrettée. Son retour a toujours eu l’air