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Maraka

Les ruines de Maraka sont peu considérables ; mais elles méritent d’être vues à cause d’un bas-relief très singulier, et que je ne me souviens pas d’avoir vu décrit nul part. Il offre une curieuse association de la religion égyptienne et de la mythologie gréco-romaine. Jupiter, avec le pallium et le sceptre, s’y montre en regard de l’Ammon égyptien, le fouet à la main et deux grandes plumes sur la tête. La troisième personne de la triade est une divinité féminine qui n’a rien d’égyptien Ainsi l’Égypte n’est représentée que par un des trois personnages divins. On voit là une alliance et comme un compromis entre les deux religions, qui transporte vivement à l’époque où elles se sont rencontrées sur cette terre lointaine, et fait assister, pour ainsi dire, à la fusion de leurs élémens.


Essebouah

Essebouah veut dire en arabe les lions. Le nom de ce lieu vient des lions de pierre qui formaient ici une avenue en avant du temple, et qui gisent encore sur le sable et dans le sable. On dirait un troupeau de lions qui se noie ; les uns dominent le déluge dans lequel les autres s’engloutissent. Le temple est entièrement enfoui dans le sable ; on ne voit que le pylône et un portique soutenu par huit colosses-pilliers qui représentent le grand Ramsès. Un bas-relief montre ses quatorze filles avec leurs noms ; parmi elles est sans doute celle dont j’ai été assez heureux pour découvrir le portrait dans le musée de Marseille, mais je ne puis la reconnaître parmi ses sœurs. Tandis que je regarde curieusement mes princesses égyptiennes, de petits moineaux noirs et blancs chantent gaiement, perchés sur les colosses. Ceux-ci sont en partie renversés ; ils semblent avoir succombé à un effort violent. L’un a la tête en bas et les jambes en l’air ; l’autre est couché sur la face. On dirait des titans foudroyés.

Comme nos deux compagnons de l’autre barque ont quitté les ruines plus tôt que M. Durand et moi, nos Arabes en ont conclu qu’ils n’avaient pas trouvé leurs ancêtres. Nous, qui sommes restés plus long-temps, nous avons trouvé nos ancêtres. Voilà des gens qui me croient d’assez bonne famille, descendant des Ramsès, pas davantage. J’espère qu’ils auront à l’avenir quelque respect pour moi.

À propos des lions d’Essebouah, placés ainsi sur deux lignes et formant une avenue de pierre aux abords du palais de Ramsès, je dirai un mot sur le rôle des lions dans l’architecture des Égyptiens et de quelques autres peuples. On va voir que le choix de cet animal avait sa raison dans le système hiéroglyphique. Le lion ou la tête de lion est