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vendues aux Européens, on arrive au chiffre de 420 millions. Or, le commerce extérieur de la France ayant été, pendant les cinq dernières années, de 746 millions en moyenne, il résulte que nous avons créé pour les Algériens un débouché supérieur déjà à la moitié du commerce français. Ainsi, indépendamment de la faculté offerte aux indigènes d’entrer dans les rangs de l’armée comme soldats, dans l’administration comme agens, dans l’industrie et l’agriculture comme marchands, ouvriers ou laboureurs, ils ont acquis une position commerciale admirable, un débouché de moitié aussi vaste que celui de la seconde nation commerçante du monde, et cette situation ne peut qu’être améliorée par le temps. Après avoir joui instinctivement de ces avantages, les Arabes en sont venus à les comprendre, à les apprécier. Voilà pourquoi la révolte ne nous semble plus à craindre. Il faudrait qu’un peuple fût bien cruellement provoqué, pour que l’orgueil national l’emportât sur d’aussi puissans intérêts.


III. — RÉSUMÉ.

Un peuple belliqueux et farouche est mis hors de combat par une tactique habile : une discipline forte, quoique légère, le retient comprimé. En maudissant peut-être par habitude le joug de l’infidèle, l’Arabe s’étonne des avantages qu’il y trouve et il s’accoutume à en jouir. Sous l’influence de ces sentimens, une sécurité sans exemple établit. Les foyers de rébellion s’éteignent d’eux-mêmes. Ce spectacle a de la grandeur ; c’est le beau côté de l’œuvre accomplie en Afrique.

Le développement administratif, subordonné à la conquête militaire, en a suivi les phases. Malgré les mécomptes et les erreurs inévitables, une organisation puissante a été créée. Des courans de populations établis entre l’Europe et l’Afrique ; les trois grands instrumens de la civilisation, la religion, la justice et l’instruction publique, constitués ; le chaos de la propriété débrouillé, les travaux d’installation militaire à peu près achevés, les travaux civils d’utilité publique en voie d’exécution, le domaine public reconnu, le commerce régularisé, l’ordre introduit dans la fiscalité, sont des résultats considérables. Le cadre de la colonisation existe, et ce cadre a été établi avec une ampleur digne d’un grand peuple.

Mais l’Algérie a été la principale cause des embarras financiers que subit la France : après avoir absorbé déjà 1,100 millions, elle nous impose un sacrifice annuel de 82 millions net. Peut-on espérer dans un avenir prochain, nous ne dirons pas des bénéfices rémunérateurs, mais une simple diminution de dépenses ? Les faits vont répondre. Les propriétaires et les colons concessionnaires possèdent depuis nombre d’aunées 300,000 hectares ; malgré les ordonnances, les subventions,